Au doigt et à l’œil 2/2
Mon trèfle, ma bête à bon dieu,
Je joins les doigts, lève les yeux,
Je fais la neuvaine aux cents vœux
Pour n’avoir pas à t'dire : adieu !
Je suis si pieux, béni des dieux,
Qu'avec toi, j'vais toucher les cieux !
Des pluies d'étoiles, au fond des yeux,
Éblouis-moi ! Sauve-qui-peut !
J'serai ton toutou sur la carpette.
Tu m'en jetteras plein les mirettes,
J'pourrai t'aimer à l'aveuglette.
Car je te trouve vraiment chouette !
Mais le temps n’est plus à la fête !
Finies les belles galipettes,
Moins d’amour, plus que des miettes
Je sens que j'passe aux oubliettes !
Y'en a plus que pour ta binette !
Trop occupée par tes frisettes,
Par tes caprices de jeune coquette,
V'là qu'tu n'aim's plus mes yeux noisette.
Tu me reproches mes croquettes,
Mes nœuds-nœuds roses, mes houppettes,
Les bains moussants pour ma toilette
Qui te coûtent les yeux de la tête !
Toi, tu me détestes, à vue d’œil !
L'amour n'est plus qu'un tape-à-l’œil !
J’avais bon pied, j’avais bon œil,
Désormais, tu me tiens à l’œil !
J'n'avais pas vu l'compas dans l’œil !
Enfoncé bien droit, jusqu'au coude !
J'n'ai plus d'honneur, rien qu'un baroud
Et pour un comble, c'est toi qui m'boudes !
L'amour n'était qu'un trompe-l’œil.
J’n’ai pas dû donner l’bon coup d’œil !
J'devais avoir l'alarme à l’œil
Et me méfier du mauvais œil !
Joue pas ta marquis' de Merteuil,
Fais pas ta poulard' demi-deuil !
Non ! Je ne vais pas fermer l’œil
Pour faire le mort dans ce cercueil !
Notre union a bien trop d’écueils !
Tu m'as mis les bois du chevreuil.
Je peux ravaler mon orgueil,
De ton amour porter le deuil !
Mon petit trèfle à quatre feuilles,
Tu m'as mis le cœur en mille-feuille !
Notre rose, peu à peu s'effeuille
Se ride et fane comme un cerfeuil !
Mon cœur n'est plus qu'une déroute !
Ton amour se donne au compte-gouttes
Malheureusement, je n'y vois goutte
Et c’est bien ça qui me dégoûte !
A un petit doigt près, d’ailleurs,
Notre passion était majeure !
Il ne lui rest' qu'un doigt d'honneur,
Dressé au ciel, en cris vengeurs !
Faut-il y voir le doigt de Dieu
Qui nous met à l'index, aux cieux,
Roulant devant nous ses gros yeux,
En nous fixant dans l'blanc des yeux ?
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