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Lettre au bourreau des cœurs 1/2

Publié le par modimodi

 

 CDC 30

Oh ! Toi, le bourreau des cœurs, dis-moi ! Comment avec ta gueule d'ange, toi, qui avais tout pour plaire, tout pour être insouciant et heureux, pour aimer à loisir, comment as-tu pu choisir de devenir un bourreau, le grand tortionnaire de l'amour ?

Au moins tes ancêtres au temps de la Rome antique en avaient fait une authentique profession, chargés d'exécuter les décisions de justice. Si eux étaient les exécuteurs reconnus des Hautes œuvres, toi, tes coups bas te feraient plutôt désigner comme le représentant officiel des exécuteurs des Basses œuvres. De cœur à cœur en corps à corps, tu exécutes avec une perfide cruauté, l'infinie variété des supplices amoureux en peines corporelles et morales. Tu pratiques à ta manière la mise amor !...

Permets-moi de te rafraîchir la mémoire, car toi, qu'on appelle le "grand bourreau des cœurs", tu sembles en avoir bien besoin !

Tu brilles en société, tu étales tes capacités et tes exploits. Tu racontes des blagues à connotation sexuelle. Ton commerce est délectable. Tu te crois irrésistible. Comme un paon, tu te pavanes en galante compagnie, sûr de tes charmes. Tu es attirant, tu exerces une fascination sur les êtres faibles comme les jolies bimbos à tête de linotte. Tu leur cueilles des fleurs bleues pour leur chapeau de catherinettes, tu donnes le béguin aux béguines, tu baratines en t'insinuant sous les crinolines. Tu fanfaronnes et te délectes de leurs indécisions.

Ne crains-tu pas un jour, d'être pris à ton propre piège et de tomber dans le traquenard de ton propre jeu ? Tel est épris qui croyait éprendre ! Cupidon a plusieurs cordes à son arc et sûrement en a-t-il une pour toi, en réserve ! Mais toi, tu joues avec la corde sensible et tu ne vois pas que tu cours le risque de te retrouver avec la corde au cou !

Tu préfères émoustiller les belles et affoler leurs dessous pour y mettre le désordre. Tu avances masqué et les décontenances par ta candeur. Tu soulèves leur cœur, tu désarçonnes leurs principes. Tu fais semblant d'être faible, tu t'excuses de tes feintes maladresses pour mieux les intéresser. Tu tentes d'éveiller leur instinct de protection et de gagner leur confiance. Tu troubles tous leurs sens dans l'espoir de les renverser sur le lit des petites vertus. Tu mets grand désarroi dans leurs innocents émois.

Tu joues tous les rôles du séducteur à l'affût. Tu te veux conquérant et prédateur. Tu tends tes filets d'oiseleur. Tu aguiches les jeunes biches. Tu fais ta chasse à courre. Tu veux attraper les sirènes par la queue, qu'elles mordent à l'appât mais c'est pour mieux les ferrer à petites touches. Tu veux toutes les piéger pour les ravir dans tes filets.

Tu joues de leurs rivalités, tu les opposes et les rends jalouses. Tu fais feu de tous les artifices. Tu es sexy, alors tu les effleures d'une rose, d'un regard. Tu les subjugues. Tu es un prédateur impassible déguisé en gentleman délicat et raffiné.

Toi, bien sûr, tu n'as pas une mauvaise réputation alors que tes homologues, les anciens bourreaux, ceux dont c'était la profession, subissaient autrefois l'infamie de leur profession d'étrangleurs. Craints et détestés, ils devaient se cacher et vivaient comme des parias, souvent en dehors des bourgs. Ils étaient la plupart du temps contraints d'exercer conjointement "un métier en rapport avec les cadavres et la mort", celui "d’équarrisseur, de croque-mort, de fossoyeur", de tanneur, de bourrelier et de découpeur de cadavre, de chirurgien post mortem. Brr !

Bénéficiant "du droit de havage", ils pouvaient même revendre tout ou partie des corps des suppliciés (plus ou moins légalement) à des médecins et alchimistes, selon une tradition remontant à l'Ancien Régime qui voulait que les dépouilles leur appartinssent. "A l'époque, le commerce était même allé jusqu'aux excès de boucherie par dissection publique et revente de la peau transformée en portefeuilles ou porte-cartes."

Toi, dans une certaine mesure et bien sûr avec moins de violence, tu ne fais guère mieux quand tu exposes et offres en pâture leurs secrets au grand jour. Tu les matraques de zooms, tu affiches leur intimité. Tu écorches leur réputation de tes révélations scandaleuses et de poses en poses érotiques, tu tranches dans leur beauté dénudée. Tu en fais étalage, tu les déplies, tu les échantillonnes, tu les agrafes et les empales en double page centrale, tu les offres en posters. Tu vends bien cher leur tendre chair fraîche. Ta violence médiatique

Un conseil ! Toi, le bourreau reste bien sur tes gardes ! Sois ton propre garde du corps, car une diablesse de jolie vampire aux dents longues pourrait bien te saigner aux quatre veines, une démone à la beauté infernale pourrait te brûler le cœur et te mettre le diable au corps !

Comme une petite nature, aux ardeurs du printemps d'aimer et folle de son corps, tu te perdrais alors corps et biens, le cœur éclaté comme un bourgeon.... Ce serait justice, si c'était enfin à ton tour, de tomber sur un joli bourreau qui s'offrirait contre mauvaise fortune, ton soit-disant bon cœur !... 

 

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