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Lettre aux petits bosseurs - Touchez ma bosse, Monseigneur !

Publié le par modimodi

BAL AP

Pensant peut-être que toucher la bosse d'un bossu peut nous porter chance, le génial Einstein se passe la main sur la tête et le front. Puis en nous tirant la langue, il semble nous dire d'un œil malicieux : "Touchez ma bosse, Monseigneur !"

C'est ainsi les amis ! Bosse des maths, des lettres, de la musique ou du commerce, qu'on soit Bossuet, Blaise ou Léonard, en puissance de penser ou de créer, tout petit crâneur se doit d'être un bison futé, malin comme un bossu pour éviter carambolage et carambouillage.

Allez, bossez petits écoliers ! Sinon, il ne vous reste qu'à rouler votre bosse au désert de l'ignorance et à apprendre comme tout chameau à rester sur votre soif de savoir.

Alors, rien ne sert de déblatérer pour nous faire croire aux mirages des dunes. Car les protubérances crâniennes ne font pas toujours les Pros Éminences de la matière grise comme les saillies frontales ou occipitales ne rehaussent pas forcément les saillies de l'esprit !

Crânes bossus de tous les pays, unissez-vous afin de ne pas vous mettre à dos tous les gibbeux, Triboulet et autre Ésope qui auraient tôt fait de vous bosseler l'échine. Le glandeur n'échappe pas au dérèglement glandulaire et le voilà Buffalo-bile, quand il se rêvait Buffalo-boss ! N'est pas Féval ou Lagardère qui veut, Monseigneur ! De la cour à la cour de récréation, du bonnet au dos d'âne, l'école passe de la scolastique à la scoliose, de la scoliose à la cyphose !

La réussite comme le secret de Polichinelle est sûrement dans votre bosse surtout, si par chance, la fée Carabosse ne s'est pas fait un lumbago en se penchant sur votre berceau. Hélas ! Si vos résultats sont par trop rachitiques, il vous faudra encaisser plaies et bosses car la vie renvoie dos à dos, les mal bâtis du ciboulot qui n'ont pas encore compris que les études comme les vertèbres étaient sacrées.

Déjà impotent de la plume, dois-je à mon tour me méfier que les déviations de mes vers et les asymétries de mes rimes ne se répètent "dans les déviations de mon épine dorsale" et de mes membres ? Car le poète n'échappe pas à la convexité de la bosse offerte par ses muses Calliope et Érato.

Atteint en 1638, dès l'âge de 28 ans de spondylarthrite ankylosante, voilà comment, dans une de ses épîtres, se décrit le célèbre Paul Scarron : "Mes jambes et mes cuisses ont fait d'abord un angle obtus et puis un angle égal et enfin un aigu ; mes cuisses et mon corps en forme un autre, et ma tête se penchant sur mon estomac, je ne ressemble pas mal à un Z. J'ai le bras raccourci aussi bien que les jambes et les doigts aussi bien que le bas ; enfin je suis un raccourci de la misère humaine."

Son épitaphe qu'il rédigea en dit long sur ses souffrances : "Celui qui cy maintenant dort, fit plus de pitié que d'envie, et souffrit mille fois la mort, avant que de perdre la vie." Théophile Gauthier nous le confirme : "Scarron chef de l'école burlesque, était contrefait et bossu comme une figure de Bamboche."

Mais ici-bas, il n'est de place qu'à l'excellence. Les à-peu-près, grosso-modo ne font que des Quasimodo. A l'école de la rectitude, les plats pieds et les bas de plafond, les tordus et les tortueux comme les absents du palmarès ont toujours le tort de savoir que le tors tue. Inutile alors de ne chercher que plaies et bosses.

Petit écolier, mon ami, toi qui as beau suer, suer à l'écoute des serments professoraux, toi, dont le seul concours est celui de l'épine dorsale, console-toi, grâce à ce beau poème de Francis Jammes, venu vers toi à dos d'âne et dos de mulet :

"J'aime l'âne si doux

Marchant le long des houx..."

Souviens-t-en le jour, où devenu un grand boss, tu iras rouler ta bosse aux quatre coins du monde.

 

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