Lettre aux rieurs : L'humour avec un grand A
CDC 12
Quelle épique époque opaque ! Amis, soyez drôles et fantaisistes, riez ou souriez !
Sensationnel à la une, tragédie ou comédie sur fond de drame ou de romance, notre petit monde s'étale et se ramasse au grand jour ! Le sérieux côtoie le futile et, le meilleur, le pire ! L'esprit étant la chose au monde la mieux partagée, voilà pourquoi, sans doute, en avons-nous, en avez-vous si peu ! Tous égaux dans le rationnement. Nous faisons tous le poids mais c'est un poids chiche.
L'entendement est source de malentendus ! L'intelligence n'est pas forcément au service de sa majesté, la Pensée, confondue avec l'opinion ! Celle-ci est creuse et de plus en plus creuse, échancrée par d'incessants sondages, rendus publics avec des mots, des mots pour rire ou ne pas dire grand-chose. Rien à se mettre sous la dent ! Ce ne sont que des paroles en l'air, en l'air du temps et des points de vue sans points de vue ! Donnant, donnant, la bien-pensance est au comptant, content.
D'ailleurs, sauf à dire "au bon vieux temps", généralement, vous et moi ne savons pas tirer les leçons du passé. Mais le présent sait nous faire la leçon avec clinquant et suffisance. La jeunesse a seule, la fraîcheur et l'insolence de la nouveauté, au bénéfice du goût du jour et de la couleur du temps ! Avec elle, l'humour se fait tout sucre et tout miel, il prend un humour bon enfant de cœur, pour toutes les petites pommes d'amour, rouges de plaisir sur le grand manège de la vie. Pour le tour gratuit, chacun a le pompon et pour le joyeux festin comique, chacun a table ouverte ! De la farce à chaque plat !
C'est ainsi ! Pour échapper au catastrophisme, au pathétique et au tragique de la vie, on l'a rendue dérisoire et théâtrale, sauvée par l'humour. Place aux fous du roi, aux bouffons des médias, à l'ironie et la satire, aux hebdos et aux caricatures ! Histrions, amuseurs publics aux heures de grande écoute, spectacles, pochades et billets d'humeur ou d'humour, ont un même objectif : faire rire sans prêter à rire. Le spectacle est permanent et l'hilarité générale.
Et si, comme l'affirme Rabelais (Gargantua, -Aux Lecteurs-) " le rire est le propre de l'homme", la vie est une série continue de sketches... pour un jour, en mourir de rire ! Faute d'avoir l'esprit dans tous ses états, c'est l'état d'esprit dominant. Qu'il soit de bon ou mauvais goût, l'humour est indiscutablement roi. Les blagueurs font un tabac quand l'ironiste nous pince sans rire !
La croyance est peut-être malicieuse. Serait-il possible de guérir de tous les maux par les mots d'esprit et d'engendrer la bonne humeur par la saillie ?... Allons enfants de la patrie ! Comme chez J.Tati, c'est jour de fête ! Pour la gaieté de l'escadron, l'esprit cocardier fait dans le cocasse du comique troupier ! Le grognard est goguenard. On se fend la pipe avant de se la casser. Le poilu se poile, se dilate la rate, se bidonne la bonbonne, se boyaute, se paye une pinte de bon sang et rigole dans la tranchée des jours avant de mourir ou au mieux d'éclater de rire, au champ d'honneur de l'humour patriotique, chauviniste et franchouillard.
Chaque rieur est un transformiste contorsionniste. Il rit comme une baleine à bosse et se gondole. Ayant mis du cœur au ventre, il se tord à ventre déboutonné et se marre à se décrocher la mâchoire. Il se fend la pêche et la poire pour s'en payer une tranche !... Petite et fraîche salade de fruits pour des amants qui croient quand ils s'aiment, être aux anges et au verger du paradis.
Dans les situations plaisantes et désopilantes, le rire étant contagieux, le peuple hystérique et braillard rit à gorge déployée et à perdre haleine. Il est convulsé par la gaieté populaire et populiste, à en devenir bossu. La chance, peut-être !... sauf chez Scarron dont seul le "Roman est comique" !
Quand l'actualité passe et repasse les plats, une pointe de sel lui donne du piquant et un hilarant gag, moutarde la boutade qui monte au nez. Sans atteindre le plus haut comique, le brio ne brille pas plus haut ! Le drôle a toujours le beau rôle et invite le naïf à se rallier ailleurs, du bon côté des railleurs !
Bien sûr, le spirituel existe et l'esprit est toujours vivace. Heureusement, qu'il existe pour les dindons gloussants de la littérature, autre chose que la farce ou la gaudriole ! Mais dans ce cas, faisons attention ! En effet, même, si l'étude des Bucoliques emprunte, au ras des pâquerettes, les fleurs de la rhétorique, l'humour lui, ne peut plus désormais se pratiquer, au premier degré mais définitivement au second degré !
Vous le savez ! Il n'est d'ailleurs pas coton de filer le parfait humour ! A force d'être trop subtil, l'esprit ne parvient pas toujours à distiller des propos capiteux et enivrants et le spiritueux n'est pas la garantie du spirituel. Un trait d'humour narquois décoché par une flèche peut même provoquer une blessure d'amour propre et mener jusqu'aux larmes, le rire et l'amour.
D'ailleurs, si le rire est communicatif, l'amour ne l'est, hélas, pas forcément. Quand une histoire est amusante et prête parfois, sans intérêt, à rire, on dit qu'elle est impayable mais l'amour, tarifé ou pas, a toujours un prix.
Nous pouvons nous pâmer de rire et d'amour, au point d'en mourir. Nous sommes capables de rire du bout des dents, aimer du bout du cœur, connaître le fou-rire et l'amour fou. Nous sommes enclins à avoir l'humeur et l'humour "canaille- can i love you". Nous avons des mots pour rire mais nous avons souvent, après les petits mots d'amour, de grands maux pour aimer. Maladie d'amour, fièvre d'esprit et du corps, Doux Jésus, n'est-ce pas la Passion ?
Pas un jour sans Amour, pas un jour, sans Humour. L'humour est le mot pour rire de l'amour, il est de bon ton qu'il prenne non pas un R inspiré mais un H aspiré. Car c'est un fait d'égalité, l'amour et l'humour sont, pour ne faire qu'un, alter ego. D'ailleurs, puisque l'Amour de Soi conduit souvent à l'Humour des Autres, l'Amour des Autres ne devrait-il pas conduire à l'Humour de Soi ? Amis, riez de tout, surtout de vous ! Faites l'amour à l'humour !