Lettre aux juillettistes : Torpeur (hello!)
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Amis, je ne sais pas si vous aimez les sensations fortes, la grande roue ou le grand huit ! Mais la vie vous place sur le manège : le carrousel de l'enfance, la chenille des jours, des mois et des années et le train fantôme à prendre sans trop réfléchir, pour passer le dernier tunnel !
Dans l'existence, tout est sensation, pourtant bien peu d'entre vous ne sont sensationnels, au point de déclencher l'admiration. Cependant, vous éprouvez en permanence de multiples perceptions d'intensité variable ! Vous passez du chaud au froid, du plaisir à la douleur, vous ressentez la faim ou la soif, la plénitude ou le manque. Certains vous donnent des suées, d'autres vous glacent. L'existence qui doit avoir l'esprit mal tourné prend un plaisir sado-maso à vous faire parfois souffrir comme à vous meurtrir au point, avec excès de vous donner l'impression de subir tant de coups durs que vous croyez avec angoisse devoir endurer mille morts. L'existence n'est que contrastes et états contradictoires, elle vous donne la pépie ou les crocs. Vous la croquez, elle vous comble puis vous laisse sur la fin. Les impressions en noir, en blanc ou en couleurs se marquent en vous comme sur un film d'images ! Le cinéma de vos vies est permanent.
Ne soyez pas surpris de vos réactions ! Les événements et les êtres provoquent en vous, des réactions en bien comme en mal et affectent votre conduite, élans et emballements, colère ou joie, réticences ou rejets, etc. Vos peaux et vos cœurs sont comme des caméléons, en technicolor. En général, la tendresse vous émeut, le désir vous excite, l'amour vous laisse sous le choc. Vous êtes troublés par la gentillesse, peinés par la malchance. Impossible de rester indifférents.
Constamment, vous avez des manifestations physiques marquées dans vos attitudes corporelles ou nos mimiques. Vous affirmez votre personnalité, vos forces comme vos faiblesses. Vous faites preuve de caractère. Certains traits distinctifs comme vos comportements vous cataloguent dans un portrait psychologique ou une figure morale. La société est un immense musée Grévin ouvert au grand public.Vous êtes royalement de brillantes et tristes cires.
Ainsi, êtes-vous timides ou craintifs, renfermés ou entiers, francs ou dissimulés, adaptés ou asociaux, vertueux ou malfaisants, rétractés ou sanguins d’Hippocrate... Autant de types de caractères que d'yeux dans le bouillon de culture, que d'étoiles dans la soupe cosmique, que d'herbes dans le bouillon de sorcière !
Vos tempéraments sont le résultat de votre patrimoine génétique, social ou culturel. C'est ainsi que l'âne est un âne parce qu'il a de grandes oreilles ! ... " Et mmmoi, dit l'autre, jjeje vous l'répépète à perpète, jjeje suis bèèègue, parce que jj'héjj'hésite à vous ppappaparler! ...
C'est même congénital ! Celui-là a hérité de toutes les tares familiales, des névroses maternelles, des psychoses paternelles, des phobies de grand-mère et des obsessions de grand-père ! C'est ça l'esprit de famille ! Et pour tout arranger, quand le papa a été licencié, comme il n'y avait plus de quoi vivre, le petit s'est mis à voler ! Voilà qu'il passe pour un délinquant, alors qu'il ne voulait être qu'un bon fils, un gentil débrouillard !
On l'a montré du doigt et on a dit en plus qu'il avait un fichu et sale caractère. Que voulez-vous ? Les gens ont toujours besoin de parler de tout et de rien ou de commenter les faits divers. Sinon, qu'est-ce qu'ils pourraient bien dire d'intéressant au voisin occasionnel, au pilier de bistrot et à son anonyme compagnon de biture ? Moi, je vous le dis, ne vous étonnez pas que les mouettes soient rieuses et les singes hurleurs !
Alors, on l'a traité de tous les noms : de vaurien et de son synonyme bon à rien, de graine d'assassin et même de gibier de potence. C'est peut-être pour ne pas décevoir, qu'il n'a pas manqué d'être à la hauteur de sa réputation. Il a un jour, tout bonnement tué père et mère !
Ah ! Bien sûr qu'on n'a pas fait de sentiment avec lui, mais alors simplement appliqué la loi et fait tomber le jugement. C'est également ainsi que passant de parricide à matricide, il s'est retrouvé orphelin !
Oui ! Je le reconnais. vous pouvez avoir l'impression que le narrateur abuse un peu des faits et de l'indulgence de son lecteur en se moquant des naufragés de la vie, de ceux qui restent accrochés au comptoir vermoulu de la société. Comme ne pas mentionner les rescapés de la noyade fiscale, amers de tant d'obligations, de dettes, de saignées à blanc, secs d'une seule traite ! Eux, de toutes façons, c'est toujours, cul sec qu'ils doivent boire le calice d'amertume.
Mais excusez-le ! En la torpeur de cet été brûlant, l'anecdotier pourrait tout aussi bien railler les ultraviolés solaires, les beaux paradeurs bronzés et déjà bien fondus, toutes ces braves victimes consentantes de l'abrutissement estival, de ses mièvreries et dérisoires futilités. Assurément ! Il a le droit de se gausser de ces minauderies extasiées pour réaliser les dernières prises de vue des vacances... Les mêmes, bien sûr, déjà photographiées, l'an dernier et l'année précédente...
Alors, à vous, hypothétiques et ultimes lecteurs fantômes de ce trop bel été, à vous les errants sableux aux deux derniers neurones en surchauffe, résistants épargnés par la canicule, je veux bien avouer feindre, ironiquement d'embrouiller les notions légales et morales, habituellement admises... Oui ! Dans cette fantaisie, où se mélangent allègrement les idées et les significations, il joue avec la confusion des situations et la polysémie du verbe "sentir".
Allez ! Vous sentez bien vous-mêmes qu'il force le trait en abusant de ce mauvais humour pour en exagérer l'effet. Forcément, que la justice ne va pas laisser passer un tel méfait. Le malheureux jeune homme va le sentir passer. Pauvre garçon coupable d'un acte insensé ! Sa sensibilité viendra lui offrir de multiples sensations. Il ne peut ,comme on le dit familièrement, que se sentir mal. Oui ! Pour lui, ça sent mauvais, le roussi et le brûlé. Il va pressentir la sanction, avant de déguster. Imaginons même qu'il aura des remords et se sentira fautif.
A votre tour, vous aussi, vous mélangez allègrement les notions quand il s'agit d'exprimer vos sensations et de faire preuve de sensibilité. C'est ainsi ! Nous manquons de vocabulaire précis pour laisser parler nos sentiments et nos cinq sens... En un sens, nous confondons sens, sensations et sentiments, sensualité, jouissance et concupiscence. Nous avons parfois le bon sens de la mesure mais le plus souvent celui du ridicule sens commun ! Nous hésitons sur les significations en jouant entre sens propre et sens figuré et nous nous retrouvons à contresens. Trop polysémiques pour être au net !
Mais pourquoi vous prendre la tête ? Pourquoi tourner en rond au sens giratoire ? C'est l'été et la torpeur accablante de fin juillet ! Ce récit surchauffé vous invite à vous mettre à l'ombre et à vous protéger des coups de soleil. Allez ! Laissez-vous aller ! La sieste vous attend !