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Lettre d'un philosophe à sa libre amie : Liberté, chérie ! 2

Publié le par modimodi

CONF 30     Je te l'ai déjà affirmé, mais je voudrais te préciser mon attachement vital à la Liberté.

Entends-tu ma chérie, je ne renoncerai jamais à ma liberté chérie ! Il ne suffit pas de te l'affirmer, il me faut aussi, t'en persuader.

Oui ! Nous devons toujours être conscients de la fragilité de nos acquis. Rien n'est permanent. Pour en garantir le maintien, tout ce que nous aimons doit toujours être l'objet de vigilance, de lutte ou de conquête.

Ô amour, nous avons toi et moi, la chance de pouvoir puiser à la source de la sagesse de la vie : la philosophie. En effet, notre très chère liberté est à appréhender comme à examiner dans toutes ses références comme en ses nombreuses nuances.

Sans être archaïques dans notre relation, nous ne pouvons l'apprécier indépendamment des conceptions philosophiques antiques. Chaque fois que nous agissons volontairement, en sachant ce que l'on fait ou dit, sais-tu mon amoureuse, que nous exerçons la vertu, le premier degré de la liberté, si chère à Aristote ? Chaque action quotidienne qui s'accomplit en s'affranchissant des contraintes est la mise en application du principe de vertu aristotélicienne.

Inutile de nous parer de toutes les vertus, celle-là seule suffit ! Mais il faut que nous pratiquions des actions justes et que nous fassions le bien. Nos efforts doivent être réguliers et constants... Ainsi, le courage, la tempérance, la sagesse, la sagacité et la piété s'acquièrent par la volonté.

Il ne s'agit plus, ma délicieuse sensuelle, de vouloir s'adonner au voluptueux lâcher prise de nos habituels abandons d'amour. Nous sommes dans une exigence morale de résistance à nos élans et penchants. Il nous faut savoir commander à nous-mêmes. Nous devons être un exemple pour les autres avant de vouloir les diriger ou les commander.

Nous n'avons eu aucune difficulté à comprendre que : "où y'a de la gêne, y'a pas de plaisir" mais aussi, pas de liberté ! Nous avons donc composé afin de trouver le juste milieu entre nos défauts et nos qualités, nos plaisirs et nos contraintes.

Tu vois, ma douce amie, la répartition librement consentie entre nous des tâches ménagères en est l'illustration parfaite. Nous donnons sens au binôme : liberté et égalité. Nous en avons fait un principe de partage, une constante égalitaire dans notre couple et ainsi fait de nécessité, vertu. A toi, les torchons, à moi, les serviettes ! Ou l'inverse ! Nous avons l'embarras du choix... Et nous pouvons laver notre linge sale en famille !

Pour garantir l'équilibre entre nous, nos rapports domestiques ont placé librement l'égalité dans le rapport de forces entre droits et devoirs. Nous nous imposons des règles que nous appliquons de bon cœur, surtout le devoir conjugal. Sans doute, faillissons-nous parfois mais uniquement, à préserver l'égalité d'humeur.

Cette loi morale de notre union est également, pour nous, une loi sociale, dans l'exercice responsable de notre citoyenneté. Lui obéir, c'est être libre ! Regrettons-nous souvent avec V. Hugo que "La République affirme le droit et impose le devoir."

Mais la pensée socratique est là aussi, ma chère et tendre, pour nous rappeler que nous ne faisons pas pour autant, ce que nous voulons. Chaque fois que nos actes sont guidés par nos désirs et qu'ils se réalisent pour atteindre un but précis, notre liberté s'exprime dans une puissance, une capacité d'agir toute relative.

Son efficacité reste limitée, parce qu'elle laisse à désirer. Reconnaissons alors, que nous sommes surtout intéressés au résultat, soit pour trouver un mieux à une situation embarrassante, soit pour obtenir ce qui nous manque ! Quand nous prenons un médicament, ce n'est pas parce que nous voulons, expressément droguer mais nous le prenons parce que nous voulons nous soigner, pour pouvoir guérir ou être en bonne santé...

Ainsi, prends-tu, ma chère et solide compagne, mon bras pour ne pas tomber et ma main pour lier notre tendresse. Qu'importe alors la rigueur de la notion platonicienne de la liberté, quand nous avons tant de plaisir à succomber à nos désirs. C'est même, de manière métaphysique que l'amour s'est incarné en toi, ma belle âme et mon ange !

Bien sûr, ce qui prouve notre liberté, ce sont nos faits et gestes mais ce qui l'exprime le mieux, ce sont nos pensées. Les extrémistes, les dictateurs et les liberticides peuvent nous contraindre à répéter leurs slogans et nous emprisonner mais ils ne peuvent jamais emprisonner nos jugements et nous empêcher d'exercer le pouvoir de notre raison.

La liberté Kantienne emprunte toujours l'étroit sentier de la raison. L'Homme reste maître de ses pensées car, c'est ainsi qu'agit en toutes circonstances, le sage stoïcien... J'ai avec toi, ma raison d'être, perdu la tête mais pas la raison !

Voilà pourquoi, même dans les chaînes du mariage, chacun reste libre de ses avis et réflexions sans chercher à les imposer à l'autre. Nous ne sommes pas non plus, esclaves en amour. Nous savons, en corps, magnifier notre liberté d'expression.

Par contre, malgré nos efforts, nous avons trouvé nos limites à l'attitude stoïcienne, que nous avons jugée, trop abstraite. Nous n'avons pas su concrètement résister à nos sentiments et nous nous consumons encore aujourd'hui de la même passion. Et ce qu'importe ! Même si à petits feux, il doit constamment nous en cuire, quand nous brûlons d'amour ! Oui, ma charnelle amie, troublez-moi encore et toujours de votre tremblante flamme !

Nous vivons, en homme et en femme libres, notre destin d'amour, indépendamment de l'intervention de la Providence ou de Dieu. Mais pour être manifestement libres, dans nos cœurs et nos têtes, il importe que nous ayons toujours notre mot à dire, surtout des petits mots d'amour. Il faudrait que notre destin dépende surtout de nous.

Nous ne pouvons vivre dans l'aléatoire permanent, sinon nous ne serions plus responsables de nos actes, ni même de nous deux car plus capables de projets concrets, seulement de rêves. Bien sûr, nous sommes, toi ou moi, parfois ambivalents, quand nous consultons les astres, que nous nous mettons à croire en notre bonne étoile ou que nous croisons les doigts. Mais toi seule, me fais croire à la lune sous notre ciel de lit !

Nous avons admis comme principe, et ce, pour toute notre vie, que notre rencontre et notre amour partagé dans le bonheur, seraient notre unique fatalité, notre bienheureuse superstition. C'est grâce à elle et à partir d'elle, sur un coup de dé du hasard, que nous sommes devenus libres et que nous avons donc, librement exercé notre volonté et laissé libre cours à nos désirs.

Mais nous n'avons pas renoncé, pour autant, à la réflexion et à la délibération. Nos prises de décisions sont parfois aussi des prises de têtes et nos conciliations et réconciliations souvent des prises de tailles, en libres corps à corps. En touchants affrontements, l'amour vient nous livrer bataille.

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