PROV
La sagesse proverbiale dit que "les absents ont toujours tort!". Il faut peut-être relativiser !
Car il en est qui brillent déjà ou uniquement par leur absence. Soit, ils le font au premier degré, telle l'éclipse qui rend le soleil alors plus dangereusement éclatant, soit ils se manifestent au second degré, dans l'ironie mallarméenne d'une absence remarquable !
Je le concède bien volontiers, les absents ont grand tort, quand il s'agit d'esprit. Je parle de ceux qui à la Pentecôte sont restés derrière la porte quand circulait l'Esprit. J'évoque ceux (et j'en connais) qui parlent à tort et à travers et qui, bien que présents physiquement n'ont pas de présence d'esprit. Ceux là, sont dans l'erreur, se trompent, ont souvent tort.
Mais les absents n'ont pas toujours tort ou à demi seulement ! Surtout si leur "Faute avouée est à moitié pardonnée !" Peut-on ranger dans cette catégorie les abstentionnistes, pris en faute de sens civique et d'exercice de leurs pleins droits démocratiques ? Dans ce cas, ne parlons plus d'une absence mais plutôt d'une défaillance, d'un écart de conduite citoyenne. Mais qu'ils ne se plaignent pas ensuite ! Ils ne vont rien gagner, pas d'indulgence plénière de ma part ni même une demi-excuse, rien qu'un président normal !...
Les présents peuvent aussi être fautifs d'avoir par exemple, congédié ou répudié, par caprice ou carence de cœur, des "fidèles" au poste... ("Merci pour ce moment!") ou pire encore, d'avoir rendu passifs des acteurs de progrès de la vie publique... Et l'on s'étonnera du désintérêt et de la méfiance envers les politiques !...Quel intérêt d'ailleurs pour un participant de faire acte de présence, noyé dans la foule du meeting, réduit au simple rôle de figurant, juste pour faire la claque au candidat ? Les absents ont peut-être eu raison de rester à l'écart de la liesse démagogique ?
Pourtant dans notre petite vie, l'éloignement et l'exil volontaire ou la disparition involontaire peuvent aussi avoir des effets négatifs comme positifs. Ainsi, quand Properce pense : "Loin des yeux, loin du cœur " ou quand l'amoureux soupire : "Loin des yeux, près du cœur!"
Dès que l'autre vous manque, ou bien l'oubli s'installe et "Tout est dépeuplé" (Lamartine. L'isolement) ou bien, le temps ou l'espace ne font rien que rendre l'autre encore plus présent par le manque, le vide et le désir qu'il crée en votre esprit ou votre cœur : " Ton souvenir en moi luit comme un ostensoir. " (Baudelaire. Harmonie du soir)
Votre escapade peut aussi pour votre environnement être une bonne aubaine. " Quand le chat n'est pas là, les souris dansent ! ". Oui ! Nous avons tous en mémoire quelques souvenirs d'enfance, de bêtises qui bravaient l'interdit parental. Quand venaient les remontrances, chacun pouvait tenter l'absence de mémoire et l'innocente amnésie passagère dans le but de se faire tout petit !... Comme le disait Roger-Gérard Schwartzenberg : " Les peuples heureux n'ont pas d'Histoire. Ils n'ont donc pas de héros."
Je me rappelle enfin, mon statut d'écolier rêveur, où je brillais par mes absences. Assidu, je ne faisais pourtant pas l'école buissonnière mais la tête buissonnière. J'étais distrait et inattentif, absent par l'esprit et présent par le corps. J'étais un coureur de rêves au vent qui se prenaient dans les voiles de mon cerveau lent. Tête en l'air ! Linotte ! Dans la lune, mieux qu'un cosmonaute, je passais parfois pour un cancre. Mes maîtres me faisaient alors comprendre que j'avais tort d'être absent par la pensée. J'enrichissais grâce à eux ma collection de zéros qui m'auréolaient comme un petit saint sorti des nuages.
" Oh ! Là ! là ! Que d'amours splendides, j'ai rêvées !
" Petit -Poucet rêveur, j'égrenais dans ma course
" Des rimes. Mon auberge était à la Grande-Ourse.
" Mes étoiles au ciel avaient un doux frou-frou...
Je suis resté au fond de moi, cet enfant rimbaldien qui a transformé ces rêves bohémiens en une vie de cueilleur d'étoiles ! Je me plais à répéter : " Il faut passer par les nuages ! "
Aujourd'hui, je prends volontiers le contrepied-de-nez de la morale scolaire et je dis : "Laissez-les rêver !" Car je sais que j'ai conservé ce penchant pour les songes et que de pensif, je suis devenu penseur. La méditation et la réflexion peuvent parfois laisser croire à un observateur que je ne suis pas présent au monde, bien au contraire !...
L'idée avant de devenir parole s'élabore d'abord dans le silence. Il faut simplement être réceptif à son éloquence.