Lettre à Dagobert 4/4
CONF 27
Tout finit par des chansons
Ô Dagobert, après toi, personne n'a oublié l'image négative des rois fainéants (de 673 à 751). L'iconographie a retenu aussi la période des rois chevelus en filiation à la force capillaire de Samson et des rois de l'ancien Testament.
Pour ne citer que deux des souvenirs historiques les plus vivaces, deux personnalités aujourd'hui sont passées à la postérité. Les célèbres figures de Charles Martel qui brisa la cavalerie musulmane venue envahir l'Aquitaine et celle de Pépin le Bref qui mit fin à la dynastie mérovingienne survivent dans notre mémoire collective !
A toi, on attribue plutôt des pantalonnades que tu as dû malheureusement endosser ! Chacun peut imaginer ta tête de défroqué quand tu as dû te rhabiller. Par contre, durant ton règne, personne n'avait pu te reprocher d'avoir retourné ta veste.
Mais la gloire s'amuse à te poursuivre. Tu mérites bien ta joyeuse et chantante renommée. On te brocarde encore aujourd'hui pour tes étourderies, à travers la célèbre chanson du Bon Roi Dagobert. La culture populaire a rendu légendaire ton air distrait.
Tu l'étais à un point tel que tu avais pris l'habitude de mettre tes braies à l'envers. Selon Wulfram de Strasbourg, chroniqueur du VIII -ème siècle, tu étais en plus myope et tu te prenais régulièrement les pieds dans le tapis. Si les sources sont exactes, il t'est arrivé de chuter sous les regards médusés des témoins, en entrant dans la salle du Conseil.
En bon vivant, avais-tu alors abusé de quelques pintes ou étais-tu gêné à l'entre-jambes d'avoir enfilé à l'envers, tes maudites chausses ? Les chansonniers de l'époque ont-ils pris un malin plaisir à confondre fesses en l'air avec fesses à l'air ? Avais-tu mélangé pied droit et pied gauche et bêtement interverti tes souliers ? Mais paraît-il que tu étais d'un naturel renversant et que tu riais, toi-même, de tes fréquentes maladresses.
Le chant que tout le monde fredonne, semble dater de la Révolution Française. Écrit sur un air gaulois de danse, dit Fanfare du Cerf, il n'aurait pas pour but de transcrire ta vérité historique. En effet, tu étais plutôt mal connu à l'époque. Il vise plutôt à se moquer du roi Louis XVI, jugé comme ton digne successeur ! On l'ignore souvent mais le souverain était connu pour sa personnalité distraite. S'il tenait peut-être la culotte (et encore, rien n'est sûr, vu le tempérament de Marie-Antoinette !), en tout cas, il ne tenait pas le cou !
La comptine fondée sur une vieille mélodie populaire était composée de 22 couplets. Elle fut reprise plus tard en 1814 pour tourner en dérision Napoléon, notamment à propos de la désastreuse campagne de Russie.
"Le roi faisait la guerre
Mais il la faisait en hiver ;
Le grand saint Éloi
Lui dit : O mon roi !
Votre Majesté
Se fera geler.
C'est vrai, lui dit le roi,
Je m'en vais retourner chez moi."
Casse-cou, tête-en-l'air et cul par-dessus tête, il fallait sûrement un esprit à l'envers comme le mien pour s'intéresser à toi, Dagobert ! A part ceux qui ont pu, dans l'abbaye de Saint-Denis, se recueillir sur ton tombeau reconstruit par saint Louis, tu as laissé peu de traces.
Pour ce qui te concerne, chacun a conservé joyeusement l'image populaire et chantante de ta culotte à l'envers. Beaucoup ont oublié ou ignorent simplement ta capacité à aller de l'avant comme à faire progresser le pays sans jamais rebrousser le chemin du progrès économique et social.
Voilà ! Mon rapide hommage ! Un peu d'histoire de France, un peu de ton histoire et quelques sourires en prime ! Mais que se passe-t-il ? En royal franchouillard, je me sens tout à coup frappé de ton syndrome...
Je poursuis comme toujours un arrière-train de pensées que je vais trop vite laisser tomber et je me dévoile comme un débraillé stylistique à mes lecteurs. Non content d'accumuler en général les contre-sens et les bourdes d'inattention, voici qu'à présent, je pense et j'écris en verlan !... Icrem ! Ô nom nob dnarg ior trebogaD !