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L'été, c'est le temps venu des bonnes résolutions pour la rentrée prochaine mais c'est aussi le temps des châteaux et des promesses bâties sur le sable.
C'est souvent en hiver, qu'on prend le temps de remuer les souvenirs et d'exprimer ses élans et ses bons sentiments. Qu'importe la distance ! Le cœur n'a pas besoin de contacts directs, d'épiderme accolé à l'autre pour vibrer, car l'amour est toujours à vol d'oiseau bleu du bonheur !
Ainsi, il me revient que mon père aimait dire : "Quand, on s'est marié, j'avais les cheveux bruns, ta mère m'aimait pour le sentiment. Aujourd'hui, je suis poivre et sel, elle m'aime pour l'assaisonnement."
Gentil papa, je ne sais pas si tu parlais du sentiment d'amour ou plus crûment d'un effluve cambronnesque, comme aurait pu l'écrire, en dégustant son pain perdu, un mauvais homonyme de M Proust, dans un de ses jours, sans Madeleine. Moi-même, empli de bonnes dispositions d'amour familial, je reniflai alors, le calembour, goûtant, avec malice, cet odorant jeu de mots devant mon bol de café au lait.
Depuis, l'école de la République m'ayant débouché les narines et l'esprit, m'a mis au parfum des fleurs de la rhétorique et du langage fleuri. Je sens bien l'énigme linguistique avec tout son petit pois de senteur.
En effet, la notion de sentiment est réservée à l'affectivité, à la sensibilité et par association à l'affection, à la sympathie, à l'attachement amoureux ou passionnel. Mais le mot s'attache aussi, à la manière de penser et de donner son sentiment ou son ressentiment. Ce n'est donc pas seulement aimer mais également donner, son opinion, son avis ou jugement.
Apprécier le parfum des vertus qui s'exhalent, parce qu'on est fleur bleue, c'est être sentimental. Toi petit estivant, qui cet été, t'aveugleras peut-être, aux charmes débordants des belles en maillot, tu ne sauras pas voir plus loin que le bout de ton nez et de leurs bonnets ! "Mais, ça n'empêche pas les sentiments," diras-tu, d'un ton affecté !
Être au parfum, c'est autre chose ! C'est pressentir, subodorer ou avoir de l'intuition pour flairer par exemple, l'odeur nauséabonde d'un dossier faisandé. C'est être comme un chien de chasse, un détective renifleur à la Sherlock Holmes...
Comme tu penses, avec raison que l'amour est une énigme, toi, petit soupirant, tendre amoureux naïf, tu as même pressenti son émoi. Tu as cru que son cœur soulevait sa poitrine, que les grands sentiments avaient la symétrie de ses seins généreux. Émotif et troublé, tu lui as intensément et passionnément donné tous tes élans sensuels. Te voilà, à présent battant la chamade car tu as été sensiblement mystifié ! Tu pensais prendre ton pied, c'était un pied-de-nez ! Amoureux assidu et par trop casse-pied, tu t'es cassé le nez, elle t'a pris pour une truffe !
Qu'il ait le nez fin ou le nez creux, il est bien difficile, pour un critique gastronomique de s'y retrouver quand le voilà, tenu de donner son appréciation et que le fumet du civet se mélange au bouquet du vin. Qui plus est comment décrire l'assemblage de l'odeur de sainteté au soufre satanique, de l'odeur du propre à la puanteur de la crasse, du fauve à la cocotte ! Mieux vaut sans doute, être au parfum, c'est à dire au courant, surtout quand ça sent le brûlé ou à l'extrême, déjà le sapin ou l'encens.
Mais toi, petit piou-piou des aventures de midinettes, tu as fait sensation ! Et c'est même, la fleur au fusil que tu lui as conté fleurettes. Tu as largement fait du sentiment et tout tenté pour effeuiller les rosières, à la tendre fleur de l'âge. Mais le bouquet, c'est qu'elles étaient pour la plupart, insensibles à ton indéfinissable feeling et que pour conclure, tes amourettes étaient toutes parfumées, à l'eau de roses !
C'est ainsi ! Les bons et les mauvais sentiments peuvent se mêler aux bonnes ou aux mauvaises odeurs : les roses de l'amour aux relents des dissensions et de la haine et le sentiment patriotique à l'odeur de la poudre. Si toi, tu peux tout sentir et tout ressentir : la désapprobation et l'hostilité sans puer la défaite, dis-toi que certains péteux ne peuvent plus se sentir, se blairer ou se piffer et que même, certains mégalos ayant sensiblement égaré leur raison, ne se sentent plus du tout, eux-mêmes. Dans ce vent de folie, voulant péter plus haut, qu'ils n'ont le c..., quand le besoin se fait sentir, ils ne sentent même pas partir le petit boulet de leur canon de recul. L'archer d’Éros, son petit bouc-émissaire ne sent pas toujours la rose... C'est ainsi qu'à leur dernière heure, ils ne s'étonneront pas non plus, de ne pas se sentir partir, goûter les pissenlits par la racine.
La vie est un bouquet parfumé de nos mots et de nos sentiments. Hypersensible et nostalgique, pris par surprise, en cet instant, dans les fidèles sentiments de mon amour filial, je sens bien qu'il me faut dire, comme Sacha Guitry : "Mon père avait raison."