EV LECTEUR 36
Ambiance Générale
La France est dans la dèche et le gaspillage ! Mais au fond, je ne fais pas exception, tout me ressemble ! Je suis dans l'ambiance générale du pays ! ...
Après tout, gardons espoir ! ... Mais ça c'était encore possible, hier ! Aujourd'hui, il n'y a plus rien ! De fond en comble, c'est un comble, plus de fonds ! De la cave au grenier, plus de blé ! La chute nous précipite au fond du trou. On ne peut même plus dire à fond la caisse ni du reste. Au surplus, il n'y a plus rien, qu'un surcroît de pénurie à se partager ! Tout diminue, sauf la dette augmente !
Tenez ! Je suis un citoyen modèle, un écrivain référence ! Je me dépense sans compter et je dilapide mes maigres idées. Je suis un prolixe, en abondance de bas goûts ! Je gaspille l'inspiration et l'encre. Je laisse courir ma plume. Je bats le pavé littéraire et mes mille-feuilles ne me laissent fatalement que d'innombrables miettes. Je gratte même les os de mes cadavres exquis ! Si mon esprit est vif, la chair est faible et parcheminée.
J'essaie tous les genres et tous les styles. Je fais dans la crème et l'onctueux, dans le pâteux et le pataud, dans le vert et le cru...Je suis licencieux parfois, mon encrier déborde, je perds contenance ! Alors ce sont, inévitablement mes lecteurs qui me débauchent. Je n'ai souvent plus d'audience. Pointer de ma plume en trouant le papier est devenu mon plein emploi !
Idem, pour mon beau pays, riche d'illusions et de promesses mais indigent de sa dette publique. On le dit, on le lit. Pas le temps de crier gare ! Le train de mesures déraille. La France est à l'arrêt et danse devant le buffet. La croissance est en panne. L'économie est sur une voie de garage et il n'y a forcément plus de sécurité de l'emploi ! Trop de jeunes agités, appelés désormais à avoir les rythmes scolaires dans la peau, sortent sans formation.
Dans les vases communicants de la précarité sociale, le chômage augmente et le niveau de vie baisse. Nous atteignons des records aux limites du supportable. Attention ! Aux caprices du temps comme au climat social qui lui aussi se dégrade ! Avis de tempête !... Les cirés comme les gilets sont jaunes et le rouge est mis aux yeux lacrymogènés comme aux bonnets !
Nos nerfs sont comme les dépenses, de plus en plus difficilement maîtrisables. Les efforts gouvernementaux sont soutenus, non pas pour redresser l'économie mais pour nous garder le moral en plein emploi. Les miraculeuses promesses de baisse des impôts sont constantes mais seule la régression du pouvoir d'achat est en progression triomphante.
Tout devrait aller bien pour moi ! Mes conditions de travail sont excellentes ! Je ne suis pas soumis aux cadences infernales. Ma plume trottine plus qu'elle ne court sur le papier. Je ne risque pas de foulure ou de crampe de l'écrivain. A moins de me mettre le doigt dans l’œil, je ne risque pas de m'aveugler d'un subit éclair de génie ! J'écris en toute sécurité en respectant l'hygiène mentale de mes lecteurs. Je suis aux petits soins avec eux pour ne pas faire confronter leurs goûts éclectiques à mes douleurs arthritiques. Mon style est soigné, même si certains jours, il est comme les cataplasmes, appliqué !
Il n'en est pas toujours de même pour tous les braves salariés. Par précaution, le monde du travail a développé des outils de protection de la santé et d'amélioration des conditions de travail. L'évaluation des risques professionnels est censée minimiser les accidents et inspirer des mesures de prévention, normatives et prescriptives. Tout est désormais encadré : la productivité, les outils de travail, l'organisation, la rémunération. Tout est surveillé et contrôlé... Mais il est évidemment plus facile de garantir la sécurité dans l'emploi que la sécurité de l'emploi.
Moi, je dois juste garder de la ressource et ne pas puiser dans mes réserves. Je risquerais l'appauvrissement dans l'approvisionnement des idées, si j'en épuisais trop vite le filon. Qu'espéreriez-vous alors? Hormis, une longue complainte en sol mineur et une bien triste mine si, par malheur, je n'épatais plus la galerie !
Mais rassurez-vous, prudents lecteurs, je ne causerai pas de dommages collatéraux, si mon talent soudain explosait ! Je pourrais juste empoisonner le climat littéraire du lecteur, si je lui tenais des propos faisandés ou fumeux. Je peux encore polluer le cours de ses pensées si je charrie dans les remous de ma propre pensée, des déchets d'inspiration.
Par contre, le mineur lui, risque toujours le coup de grisou, le chimiste, la contagion par une mauvaise manipulation de produits. Elle est impressionnante la table des matières dangereuses ! Dans l'industrie, on peut prévoir au maximum mais il reste toujours l'imprévisible, l'aléatoire, la conjonction d’événements fortuits, et par le plus grand des hasards, la défaillance ou la malveillance, la faute technique ou humaine.
Quel que soit le huilage des réglementations et le renforcement des vérifications, la roue du destin se grippe ou se casse ! Sans parler de quelques fous, pyromanes ou imprudents qui jouent avec le feu, à l'apprenti sorcier...