LEV 24
Le monde est-il réel ou virtuel ? Moi, qui sors de tes bras, je sais que notre amour ne l'est pas !
Mais on l'a lu et entendu : " La vie sur le net, n'est qu'illusion ! " Alors, ce que je regarde, ce que l'on nous donne à voir, est-il réel ? Le virtuel n'implique-t-il pas l'attitude salutaire du doute ? Google me conduirait-il à la phénoménologie où la prudence philosophique recommande de distinguer voire d'opposer la notion de "pure signification" à celle "d'existence".
Ici, tout est vrai et factice, à la fois. Même les photos sont retouchées pour produire plus d'effets. Les publications sont animées, les commentaires et les dédicaces sont empruntées ou exacerbées. Dans ces multiples structures et formes de la communication en réseaux, on influence parfois, on déçoit le plus souvent. Voire même, on est déçu.
Sans doute, le sommes-nous, parce que la virtualité brouille la réalité, à la vitesse supersonique de l'information. Lacan affirmait déjà que le réel est le trauma, un accident de la représentation ! Aujourd'hui, ce qu'un architecte créatif peut diffuser sur le net, grâce à des logiciels d'anticipation, donne une vision futuriste à notre espace privé. La peopolisation le rend même, à notre insu, pâture publique. Elle peut supprimer du même coup, notre sphère de l'intimité, en la soufflant à l'extérieur de nous, comme une bulle de savon. Le temps du buzz. Certains en sont victimes, d'autres en ont ostensiblement besoin.
Ainsi, le monde virtuel des réseaux offre à certains, le moyen sûr, parce qu'anonyme de jouer ! Jouer avec tout pour se parer de multiples identités, pour avancer comme le concombre masqué au milieu des salades de posts, pour piaffer entre deux relais comme des chevaux de posts ou pour pavaner comme un paon dans la cour des grands thuriféraires de l'amitié.
Mais tout est virtuel ! Votre ami, mi-ami de Miami, l'Autre, est toujours sans voix, son corps est réel ou pas! Les accrocs, à leurs tablettes, rêvent peut-être d'abdos de bodybuildés ! Le virtuel n'a pas de frontières, ni de limites.
Tout en restant des sédentaires, nous sommes tous devenus des errants, des nomades, à la rencontre d'avatars, dans un monde de mirages. Ici, tout devient possible : un rêve éveillé, une réponse au désir de l'altérité, une impatience maîtrisée dans l'immédiateté !
Moi, qui suis un extraverti, extériorisé grâce à mon blog, moi, le forcené de la plume, je peux vous en parler ! La mode est à l'image et à la vitesse ! Mes textes édités sur le blog, m'a t'on dit, sont trop longs, ils ne sont pas lus mais zappés comme des SMS ! Quel gâchis ! Moi, je vous le dis : une lecture souvent ne suffit pas, pour en apprécier le rythme, la musicalité, la polysémie des mots et des phrases ! L'espoir d'être lu est lui même virtuel !
Quand on vous fait l'aumône d'un clic, d'un pouce levé, d'un coeur saignant, d'un " j'aime "et l'honneur d'un compliment, comment mesurer la sincérité de celui qui revendique le titre d'ami ! Y aurait-il comme pour l'humour, des amitiés au premier degré et au second degré. Ah ! Nul doute que certains sont sincères et donnent de la force affective et émotionnelle à leurs commentaires écrits ! Ceux-là ressentent des élans d'amitié et peuvent aussi bien vous aimer, vous jalouser et vous détester, s'attacher et même souffrir.
Il vous faut faire le tri entre l'émotion de faible intensité et la passion, le merci poli et l'admiration. Il faut soi-même, si possible, éviter de juger et se débarrasser du plaisir narcissique d'apprécier par trop l'écrit ou le sentiment miroir qui flatte l'ego ! C'est là, le fruit vénéneux mais délicieux de la complexité humaine.
Mais d'autres s'adonnent aussi au systématisme et affadissent les termes et les sentiments par des remarques quasi-automatiques ! Telle est ma situation ! Jugez-en ! Vous avez écrit et ciselé, pendant plusieurs heures, un texte. Mais votre pseudo-lecteur, pressé ne prend pas le temps d'un salut argumenté, dans le ton, le style de votre composition ! Non, il vous dédaigne et vous inonde de ces nombreuses publications identiques, souvent ! Pas de temps pour une note un peu spirituelle ou complice, tout occupé, qu'il est égoïstement, lui-même à envoyer des rafales de photos de son dernier périple, de sa dernière balade, de son obsédante marotte ou en train de s'agacer à trouver une publication originale !
Il vous ignore ! C'est un voyeur ou un spectateur, pas un lecteur ! Alors, je vous le dis, celui-là n'est pas mon ami, mais un simple curieux, un abonné, plus ou moins intéressé et plus ou moins intéressant ! Je n'ai rien à faire des zappeurs de l'amitié et je n'ai à leur offrir qu'un texte et mon dépit.
Car rien ne les touche et rien ne les atteint. Ils sont dans l'illusion ! Comiques ! Molière avait raison : " Autant parler à son bonnet ! " Car eux sont des toqués ! Par dédicaces et métaphores filées, Bonnet blanc parle avec blanc Bonnet ! Dans l'urgence ! Car il ne faut pas se faire coiffer par le poteau ! Amicalement vôtre !
C'est à qui mieux mieux ! Pour la plus belle plante et la plus belle ruine ! C'est à qui miam ! miam ! Pour le plus beau plat de nouilles et c'est à qui mieuuh ! mieuuh ! Pour la plus belle vache ! Car ces bonnets d'âne sont des bonnets de nuit qui m'ont mis la tête près du bonnet ! Moi, le brave à trois poils, le grognon grognard, je suis de bien mauvais poil, au point que mon petit bonnet à poils se dresse sur mon caillou.
Mais, je me dis par consolation, que si je suis tempétueux, je suis au moins créatif ! Car le slogan et l'occupation première de mes faux amis sont le plus souvent :"Je pique et je repique !" Les jardiniers qui marchent sur les plates-bandes de leurs chers amis, déplantent, plantent et replantent leurs posts. Dans la garden-party quotidienne des réseaux sociaux, quelques empotés le font même sur un ton bêcheur !
Si je n'y prenais garde, ils arriveraient même, à me mettre les nerfs à fleurs de posts, de pots cassés et de peau froissée ! Leurs posts ne seraient plus de sécurité mais d'incendie et je peux vous dire qu'alors, ce jour-là, ce ne serait pas que virtuel !