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Lettre à mon Eurydice - Orphée

Publié le par modimodi

 BAL CDC

Liras-tu cette lettre d'enfer et de damnation ?

Excuse-moi ! Je ne suis pas dans mon époque ! Je voulais être mélomane, jazzy ou rockeur ! J'aurais certainement dû jouer du saxo ou du synthé, du tambourin ou de la batterie, mais j'ai choisi de jouer de la lyre ! Ah ! Quel délire ! Oh ! Mes aïeux ! Sûrement que je me fais vieux !

Moi, qui en pinçais grave pour toi, j'aurais dû apprendre le banjo ou la guitare. Doué comme Apollon, je t'aurais promis le grand récital décoiffant des yéyés en chemises à fleurs et je t'aurais volontiers attirée contre moi pour dénouer tes couettes et tomber à la renverse.

Oh ! Je l'ai compris trop tard ! Si je voulais à ce point, faire vibrer ta corde sensible, j'aurais dû bien sûr, m'initier à la harpe. Mais non ! Je ne sais plus vraiment pourquoi, j'ai fait ce choix bizarre… Je me rappelle simplement que ce jour-là, il tombait des cordes…

Était-ce en pensant à tes yeux de pluie ou en voulant accompagner tes mélos, dis ? Était-ce pour imiter la parade et le chant de l'oiseau-lyre, que j'ai fini par opter pour cet instrument ? Ai-je confondu guitare avec cithare et flûte avec luth ? Je m'interroge encore, j'ai un orphéon dans la tête qui me fait un boucan d'enfer.

En ce temps-là, rappelle-toi, ma bien aimée, je faisais au milieu d'éphèbes, mes humanités gréco-latines. J'étais un rhapsode virtuose, le pseudo créateur du tube "Rhapsody in Blue", que notre groupe : "En avant la zizique", donnait le week-end, en concert de cithares, avec cymbales et solos d'aulos et de syrinx, au pied du Parthénon. 

J'étais un barde hellène au récital de poèmes homériques. J'étais l'aède des calanques grecques pour les belles baigneuses, dont tu faisais heureusement partie. Je n'étais pas le plus bel Apollon, mais avec toi, ma talentueuse aulète, j'ai bien vite appris, en duo, à tenir la note. En chœur, nos cœurs battaient en harmonie et en cadence de souffle et de soupirs. Nous nous aimions sur toutes les gammes des chants de libations et de leurs musiques joyeuses, voluptueuses et bachiques. Alors, avec beaucoup de doigté, je t'ai invitée aux délices de la grande Odyssée. Nous étions prêts à vivre ensemble les plaisirs de l'aventureuse épopée de l'amour.

Hellas ! Manque d'inspiration élégiaque ! En guise de poésie déclamative, je n'ai su que te chantonner une espèce de ritournelle accompagnée à la lyre et au tamtam :  bourre et bourre et rata ! Tam ! Piques épiques et collé drame ! Tu me piques à mon grand dam !

Au banquet de l'amour, la table est bien vite desservie. Tu te tends comme une corde de lyre et fait retentir la discorde. Tu m'apostrophes à la moindre strophe ! Nous sommes à hue et à diatonique. Tu t'irrites au quart de ton. Nous ne nous aimons plus qu'en contrepoints, à contre cœur. Sans commune mesure, tu prends tes iambes à ton cou.

Triste pantomime, je tire une vilaine mimique ! Aie ! Aie ! Aie ! Pour le barde, ça va barder ! Le satyre va encore frapper ! L'aède criera à l'aide, en gémissant ses plaintes ! Bas les masques, ma comédienne ! C'est une vraie tragédie, une terrible et mythique descente aux enfers !

Oh oui ! Je ne me méfiais pas assez. Tu étais mon rêve éveillé de beauté. Tu m'avais enchanté. L'époque était heureuse, je fréquentais Hypnos et t'aimais, les yeux fermés. Mais oh ! Funérailles ! Mortelle destinée ! Toi, pauvre de moi, tu avais comme meilleur ami Thanatos, son frère !

Je le reconnais humblement dans ce déplorable aveu. Bien sûr que je t'aime à mort mais tu n'avais nul besoin de me faire vivre un véritable enfer… Comment pouvais-je m'en sortir ?…

Je ne le savais que trop, seule, la musique adoucit les mœurs. Dans cette "nuit de mai" parfumée, Musset lui-même, me l'avait suggéré : "Poète, prends ton luth et me donne un baiser." 

J'empoigne donc ma lyre pour t'adoucir, ô muse. Je suis devenu le nouvel Orphée. Avec la permission d'Hadès, j'accours à un train d'enfer pour te retrouver mon Eurydice et te ramener au jour d'un amour de pleine lumière, de paix et de raison. La force de mon chant doit te guider pour sortir de ta colère noire et des profondeurs des ténèbres. Je te déclame : "Entends le chant de ma lyre / Oublie tes affres, tes délires / Cesse de broyer du noir / De me mettre au désespoir." Danse avec moi, "le ballet des ombres heureuses".

J'invoque nos hymnes adressés aux dieux, je te remémore les jeux pythiques et nos victoires musicales couronnées de lauriers. J'évoque les mélodies du paradis perdu. Je te promets des danses au son de la musique des anges au milieu des torches antiques, des halos et des auréoles séraphiques. Mais, j'ai beau essayer d'être lyrique, pas d'effets, pas d'émois ! Ah ! Pardonne-moi, tendre Eurydice, tous les musiciens et tous les poètes ne parviennent pas à être Orphée.

A peine, sortie du souterrain, tu ne prends pas le temps d'obtenir des éclaircissements. Remontée avec nos discordes, toi, ma belle de clair-obscur, tu continues de voir tout en noir. Ah ! cruelle déception, Eurydice n'est absolument pas la douce déesse exaltée par le Mythe et l'opéra de Gluck. Notre réunion fait à nouveau des étincelles. Oh ! Infernale furie, tu ne tardes pas à me lancer tes foudres et tes lasers.

Que peut faire une lyre face à une crécelle ou à la polyphonie de tes crincrins ? Nous n'avons plus d'accord parfait, nos accords n'étaient que plaqués. Le temps n'est plus à la romance mais à la fugue.

La désastreuse réalité s'impose à moi. Je reviens sur terre… Mais j'ai à peine le temps de me retourner dans le verger d'Éden que déjà, tu t'éclipses avec un joueur de flûte, un rusé charmeur de serpents à sornettes, rencontré au pied d'un pommier.

Ton pauvre Orphée désenchanté doit sur le pré abandonner sa lyre. Inutile de me lamenter, mon chant d'oubli et de remords retourne au silence. Adieu les instruments à cordes et les vibrations de l'amour ! Vive les instruments à vent ! Belle Eurydice, malicieusement, je me console en pensant que tu auras droit au pipeau et à la bombarde, au biniou et aux cornes, Muse !

Moi, si retiré dans le Sud, je me suis éloigné de "la vie parisienne", si je ne danse pas le French Cancan, j'écoute quand même le cœur léger, "Orphée aux Enfers" d'Offenbach et le rythme endiablé de "son galop infernal"...

Les yeux mi-clos, en écho télépathique avec Toulouse Lautrec attablé au "Moulin Rouge", je prends la main de ma danseuse et je m'exclame plein de gaité : "Je t'aime à la folie, bergère !"

Hé ! M'entends-tu donc enfin, mon Eurydice, mon cher supplice ?

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Lettres au cœur de l'arc-en-ciel 3/5

Publié le par modimodi

CONF BAL

Au sortir de la nuit - Noir

Ô mon amour, ma femme-enfant ! Tu as tous les pouvoirs, des plus éclatants aux plus occultes. En ce matin gris pâle de décembre, je me réveille à ton côté dans le parfum réglisse de ta peau nue. Ta chevelure ébène est comme ma nuit d'écorce brûlée et les tisons éteints de mes rêves calcinés.

Je te distingue à peine, tant tu fais corps avec l'obscurité. Le demi-jour s'est acharné à déchirer les tentures de la nuit. Des lambeaux de lumière ne me permettent pas de distinguer les détails de ta beauté informelle. Ma vision tente de te dessiner avec le charbon des ténèbres sur le damier de nos draps blancs.

Dans les halos bleutés et violacés de la nuit qui s'en va et les fumées du jour ardoise qui s'en vient, tu t'insinues d'abord en courbes et en stries noires plissant la surface inerte du lit. Comme dans un tableau de Soulages, chaque ondulation en souples symétries, accroche de crêtes en sillons des lueurs moirées qui, sur ta peau d'ivoire contrastent avec tes yeux de feu et d'obsidienne. Tu es "l'outrenoir" qui sature sa peinture de "noir lumière" et envahit le vide en mon esprit.

Tu es pour le temps de ma mémoire, l'origine du clair-obscur, le vitrail de la rosace dans la cathédrale de ma nuit. Tu es la symbolique de mon écriture, la vie ressuscitée triomphant du deuil et de de la mort. Tu absorbes et réfléchis l'encre de mes désirs qui griseront tantôt ma neuve page blanche.

Aux teintes sombres de mes pensées, tu apporteras la transparente hésitation des clartés de l'aurore. Tu ôteras l'opacité à la matière mate de mes rêves nocturnes et je capterai tes mystères dans les jaillissements d'éclats de ta lumière.

Toi seule vas hachurer les croquis cendreux des ombres de suie dans cette nuit évanescente. Toi seule vas me laisser la trace des griffes incertaines de l'aube balbutiante. Tu es son pavot noir. Le sortilège de ton premier mot tisse sa soie pour m'emprisonner dans ses mailles, ses ondes et ses vibrations lumineuses.

A jamais, tu seras mon œuvre au noir. Rimbaud offrira l'alchimie de ses voyelles : "A, noir corset velu des mouches éclatantes qui bombinent autour des puanteurs cruelles." Je te retrouverai, le teint grisâtre mais joyeux dans les arcanes de la poésie et nous danserons ensemble la danse macabre sur "les cadavres exquis".

La chrysalide de ta beauté a déployé peu à peu son champ céleste. Des ailes bleuies du corbeau menaçant, du voile de la nuit fantastique et des étoiles noires, a surgi l'azur constellé qui te délivre et te nimbe de mystère et de lumière.

Tu n'es plus blême, mourante et triste comme la blanche Ophélie. Tu m'offres en ce matin irisé des encres de la nuit, un bouquet de fleurs d'espoir, une palette de couleurs, rose à tes joues, rouge à tes lèvres, bleu à l'acier de ton regard, or à la lame qui me fauche comme un épi.

Je vais renaître entre tes bras jusqu'au prochain couchant où tu te réincarneras en soleil noir pour enflammer la nuit. Je n'ai plus peur de l'inconnu et de l'invisible. Je peux marcher sur le pavé mosaïque de mes nuits blanches et élever mon regard, jusqu'à la croix du sud.

Pour nos noces de lumière, je vais composer avec toi une gerbe d’iris et de tulipes, de lys et de glaïeuls cueillis au jardin parfumé de notre clair amour. Nous vivrons mon ange, comme deux oiseaux-lyres, dans la joie et les délices azurés de l’Éden.

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Lettre avant de dormir - Secrets aveux

Publié le par modimodi

 BAL CONF

Reçois ma douce, ces confidences écrites dans la pénombre.

Dans les derniers reflets du jour, nous nous tenons face à face, mains liées à nos serments, doigts noués et délacés aux rythmes lents de nos frissons. Sans le moindre bruit de ressac, chaque vague dénoue la mer en ondes ourlées de tendresses.

Nous nous désirons comme des statues de pierre dans la crispation du temps. Nous nous tendons comme la corde sous la menace de l'archet. Nous voudrions nous enlacer avant que le sommeil vienne nous prendre et nous renverser sur le lit de la nuit.

A travers les rideaux du soir, les silhouettes tremblantes de nos corps portent nos attentes et nos rêves. L'amour est là, mêlé aux flammes du crépuscule, dans les ondes de la lumière, filant comme un ruisseau vers des lisières inconnues.

Dans notre maison d'algues et de fougères, les battements du temps se glissent à pas de lune dans la durée et ses sanglots. Demain est déjà là, sur la pointe de ses pieds nus. Le loup d'hiver hurle aux nuages noirs de tenir allumée la lampe jusqu'à l'aube. La nuit béante qui s'en vient sera longue.

Dans la course sombre du jour, les rapides des instants enfuis tourbillonnent en rafales dans les gifles du vent et les griffes des branches cognant contre les vitres. Les feuilles s'y collent comme des papillons affolés au halo des réverbères de la ville. Au loin, la lumière crue des néons ensanglante les ombres du ciel. Tu en es sa rose rouge.

Les voiles dans la chambre s'agitent en bruissant. Près de moi, tu t'allonges. J’effleure ton épaule, j'entre dans la nuit, les mains nues. Nos peaux en serpentant, se glissent et se frôlent dans le froissement du satin. Nos lèvres et nos voix se font douces, nous murmurons dans le silence, des mots d'amour qui montent en gerbes moissonner le champ des étoiles. Nous sommes lisses de délices.

Nous frémissons et glanons des émois nocturnes dans nos mains agitées de poignées de caresses. Des frissons impatients palpitent dans le feuillage de nos soupirs tremblants et s'agitent comme des ailes d'oiseaux dans l'arceau de nos bras. Nos secrets n'ont plus de piège.

Sur le champ de bataille de la nuit, nos corps sont des glaives qui s'aiguisent aux pierres tranchantes de nos désirs. Nous roulons jusqu'à l'abîme avant de déposer les armes dans l'ultime étreinte d'un mourant baiser. Nous happons le vide de l'espace dans une plainte d'abandon.

Je me coordonne à ton souffle. Tu soupires dans le silence, je te contemple assoupie. Sur ta blanche nudité, un feu dansant de flammes chatoyantes s'est allumé aux rayons de la lune d'argent. Tu as déployé la corolle scintillante des astres d'or et laissé flotter l'écharpe aux cheveux d'ange des comètes. Tu t'éthères lentement dans l'envol de l'amour et dans l'oubli du temps.

Tu montes dans la barque de Nyx pour toi rejoindre le sommeil. Tu te donnes en offrande au ciel gris bleu de cette nuit de plomb. Tu as aboli l'horizon et ses limites, repoussé. Tu plonges dans l'azur invisible des songes étoilés... Aux voûtes de tes paupières, tes yeux d'ardoise jettent aux noctuelles des ténèbres, des lueurs moirées. Ta beauté flamboie dans les gémissements de la nuit.

Dans l'obscurité, je te distingue à peine mon ottomane, ma libre odalisque endormie. Je pose ma tête contre ton cœur, je te rejoins dans l'infini.

 

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Les faux amis

Publié le par modimodi

 SAF

Ils vous adorent, ils vous l'assurent,

Vous leur manquez, ils vous le jurent :

" Ton absence, c'était une torture !

T'as pas changé ! T'as belle allure !

Comme elle te va bien ta coiffure !"

 

De courbettes en courbatures,

Ils vont vous cirer les chaussures,

Raconter leurs mille aventures,

Louanger leur progéniture

Avec moultes enjolivures.

 

Les égos sont en boursouflures,

Pas la moindre demi-mesure

Pour la maison ou la voiture,

Les projets, les achats futurs.

Le paraître est plein d'envergure.

 

I! y a tant de bouffissures

Qu'il n'est pas aisé de conclure...

"Oh ! Mais toi, tu as d'la stature,

Ton talent est pur et nature,

Tu honor' la littérature !

 

Bravo ! Pour ton livre paru !

L'articl' du journal, on l'a vu,

Tu es promu et reconnu.

Tu vas bien nous en offrir un

Avec dédicace, de ta main ?"

 

D'autres sont plus fins et rusés,

Ils s'animent et sont excités :

"A coup sûr, on va s'régaler !

On a hâte de lire ton bouquin,

On ira l'acheter dès demain."...

 

Ne vous faites pas d'illusions,

Il va demeurer en rayon.

La promesse n'est qu'une intention !

Les amis sont comme des ballons,

Ils se donnent tout en faux bonds.

 

Vous qui en avez à foison,

Entendez-les, à haute voix :

"Tu peux toujours compter sur moi,

Dès demain, à la Saint-Glinglin,

Surtout, si tu n'as pas besoin."

 

Mais tu n'fais pas partie d'ceux-là,

Tu as osé franchir le pas.

Un lecteur n'fait pas d'cinéma,

Quand il sait qu'il va obtenir

Tant de joies et tant de plaisirs !

 

Merci, cher lecteur, mon ami !

 

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Lettre d'ententes : Pour ou contre

Publié le par modimodi

 CDC 56

Mon bel amour, dans l'existence comme en amour, il n'y a pas que les autres qui nous chagrinent et nous contredisent. Nous pouvons aussi être en opposition avec nous-même, chaque fois que nous hésitons et balançons entre deux thèses, deux arguments, deux élans du cœur !

Quand les mots se font la guerre des sens sous la plume en suspens, ils dessèchent d'encre tarie dans le puits de l'encrier. Quand les idées se battent en duel pour la cause de la juste expression, elles ne produisent que des cliquetis de ferrailleurs. Comment réagir quand notre conscience est mal en point et nos sentiments pas au point ? Quand de la rose, nous n'observons que les épines ou que nous ne percevons plus que la suavité de son parfum évanescent dans l'offrande désespérée d'un mourant baiser.

Pour les autres comme pour nous-mêmes, nous représentons parfois un frein à la résolution d'un problème, un obstacle à sa perception, notamment quand nous manquons de points de vue, clairement établis. Nous nous montrons d'autant plus pointilleux que nos démonstrations ne sont pas vraiment au point. Fakirs de la pensée en pointe, nous nous prenons la tête en nous clouant les deux hémisphères.

Dans l'impasse de nous-mêmes, nous nous trouvons même au point de non-retour quand nous mettons un point d'honneur à nous obstiner, alors que nos déductions ont la dialectique en contrepoint. Comment alors s'étonner que les commentateurs ne soient que de sombres métaphrastes qui ne traduisent qu'avec erreurs !

Nous ralentissons également, voire paralysons notre propre jugement, chaque fois que notre entendement crée ses propres objections, voile les lueurs de l'intuition ou dépose les armes de la déduction. Nous nous disons quelquefois qu'il ne sert à rien de se battre pour quelques fruits talés ou de chétives queues de poire de la discorde mentale, pour au bilan ne récolter que prunes ou nèfles !

Nous affichons encore un bel esprit de contradiction et parfois, nous contrarions les autres en réalisant tout le contraire de leurs attentes. Sans arguments et sans faire le poids, certains, à la légère, font ainsi contrepoids. C'est d'ailleurs un vrai fléau, quand quelques tarés mettent en balance nos pensées et font le poids mort dans la discussion ! Ce sont parfois des gesticulations de cirque ou des cris et mimiques de zoo quand ceux-là nous singent, s'estimant malgré tout, valoir leur pesant de cacahuètes !

Tenons-nous éloignés de ceux qui fraudent avec la raison, de ceux qui voudraient nous faire faire bande à part ou contrebande d'idées, dans le fumeux espoir de faire un tabac ou de nous faire pétuner ! Fuyons ceux qui perdent la mesure de toutes choses, ceux qui se foutent du tiers comme du quart, ceux qui s'en contrefichent mais qui nous contrecarrent pour le plaisir de nous contredire !

Tenons-nous loin de ceux qui nous brossent dans le sens du poil aussi bien que de ceux qui nous prennent à rebrousse-poil. Demeurons très loin de ceux qui nous hérissent ou nous décoiffent en argumentant à contresens, en coupant les cheveux en quatre ! Maudits critiques, passés de contemplateurs à contempteurs, de louangeurs de grand tribun à Trissotins pédants de la diatribe hypocrite !

Il nous revient instamment de cultiver l'optimisme et d'avoir une attitude constante, de ne pas nous laisser désoler par les esprits chagrins des Zoïles réincarnés comme par tous les bilieux qui broient du noir. Nécessairement, il convient de ne pas nous laisser envahir par ceux qui sèment des soucis et du mouron dans les fleurs de nos pensées ! Repousser les prêcheurs de contrevérités, les faux ténors qui se poussent du col et qui se prennent pour de la haute-contre ! Rabaisser ceux qui nous prennent de haut et s'élèvent contre nous. Répondre à coups de plumes à ces maudits oiseaux de mauvais augures, à ces petits serins au chant criard, aux becs jaunes comme leurs rires sarcastiques !

Certes, il n'est pas facile de tenir le haut du pavé, quand on est en contrebas. On ne peut pas toujours accuser Voltaire d'être tombé par terre ou accabler Rousseau d'avoir le nez dans le ruisseau. Il faut savoir tenir son rang et être bien rangé comme les caractères sur le clavier et les pensées dans la tête. Il y a lieu de marcher ou de rouler au pas de la raison sans perdre le bon sens et de ne pas contrevenir au code de bonne conduite. Tout doux ! Sinon, c'est la contredanse assurée et le contre-pied de nez d'un procès verbal garanti par le dernier Aristarque.

D'ailleurs, mon cher et brillant esprit, nous savons toi et moi, que le monde des idées est parfois une épreuve de travaux forcés et l'injuste condamnation de devoir ramer sur une vraie galère. Il n'est pas donné à tout le monde de se tenir à flots, contre vents et marées, de nager à contre-courant de la facilité, en tenant crânement la tête hors de l'eau et fièrement le porte-plume hors de l'encrier ! Il n'est pas aisé de faire partie de la crème littéraire quand on ne compte que pour du beurre !

Il n'est pas évident de briller et d'être en conjonction même lorsqu'on est l'un et l'autre, comme l'eau et le feu, comme le jour et la nuit. Il n'est pas aisé de garder la même ardeur quand, à tour de rôle, chacun souffle le chaud ou le froid !... Mais nous, ma douce, nous avons heureusement pu être bouillants sans finir échaudés. Nous nous tenons en face à face mais pas en volte-face. Ô délicieux plaisirs ! Après chaque envol, nous nous aimons à pile ou face.

Nous ne rebroussons pas chemin sur la voie de notre amour. Aucun obstacle majeur ne vient nous barrer la route ! Par grand bonheur, toi, tu es pour la concorde, la paix du cœur et du ménage et moi, je file droit dans la rectitude de notre vie commune ! Nous sommes de tempéraments, compatibles. Nous supportons sans nous agresser la contradiction. Tu as l'esprit incisif, du caractère et du chien ! Je suis mordu de toi et par bonheur, tu n'as pas de dent contre moi.

Fidèle et généreuse, tu emplis jour après jour, ma corne d'abondance de menues et délicates attentions. Tu offres une débauche de sens et de câlins à mes petits mots d'écrivain ! En veux-tu, en voilà ! Toi, tu me combles de beauté et d'intelligence. Aucunes stupides contrariétés. Jamais anti, je suis nanti. Si tu résistes parfois jamais tu ne te refuses ! L'amour est à la fois dons et échanges. Tu es mon plein plaisir des sens, ma volupté à pleines mains ! Si de ma plume coquine, je t'ai frôlé la croupe hier, je te la flatterai aujourd'hui !

Au fond, mon Augustine, mon petit loup des Lupercales, pour nous, c'est un peu chaque jour la Saint Valentin ! Tu es tout pour moi, quand je me tiens contre toi. Nous ne menons pas bacchanale, notre débauche est de volupté et de caresses... Et même, un jour d'épines est un jour de roses ! Pas de contre cœur ou de contre-amour mais d'insensés plaisirs et de jouissifs délices à l'endroit contre moi puis à l'envers aussi ! Contre, tout contre ! Toute en accords, en corps à corps !

Notre amour est à livre ouvert ! Nulle envie de tourner la page !

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Confusion amoureuse : Ordre et désordre des sens

Publié le par modimodi

 CONF 9

Ma tendre amie sait fort bien comment m'émouvoir. Qui vous dira les plaisirs subtils d'être dérangé par l'amour, de perdre la notion du temps, la raison et le souffle ? Ah ! Le divin bonheur des désordres amoureux, de la confusion des idées et des sentiments : l'exaltation, la crainte, la folie et les manques !

Ah ! Comme sont troublantes ces amourettes apparemment sans queue ni tête, qui finissent par vous la faire perdre dans le désordre d'un tête-bêche ! Oui ! Je connais cette impression de ne plus savoir ni qui on est, ni où l'on est, quand la perte totale des repères vous rend illuminé, ébloui, incertain, indécis et hagard ! Quand vous êtes à la fois et la glace et le feu, la pâleur et la fièvre !

La volupté des plaisirs et la perturbation de toutes les sensations exacerbent votre perception. Vous êtes magicien, poète et voyant rimbaldien "par un long, immense et raisonné dérèglement de tous les sens." Vous perdez la tête, la passion vous grise, vous échappez comme Baudelaire, au spleen, à la fuite du temps et à la pesanteur du présent. Vous êtes lyrique et symboliste. Une incantation s'élève : "Enivrez-vous, enivrez-vous sans cesse ! De vin, de poésie ou de vertu, à votre guise, mais enivrez-vous ! "

Votre cœur est un espace à trois dimensions, vous voyez des étoiles. Vous exaltez vos impressions. Vous pressentez les règles de l'harmonie dans le trouble qui vous envahit. Vous avez tant de plaisir que vous ne cherchez pas à mettre bon ordre à votre désordre intérieur ! Vous murmurez comme Phèdre :

"Je le vis, je rougis, je pâlis à sa vue ;

Un trouble s'éleva dans mon âme éperdue ;

Mes yeux ne voyaient plus, je ne pouvais parler ;

Je sentis tout mon corps, et transir et brûler."

Oh ! Mes tendres et belles amoureuses ! Ô toi, mon amour absolu ! Dans les licences de l'abandon, nos corps ont des excitations érotiques. Dans le pêle-mêle de nos ébats, nous goûtons aux bouleversements des plaisirs effrénés. La liberté de nos désirs nous met en débauche d'extases et de frissons. L'enfer des sens nous conduit tout droit comme des amants, au septième ciel des jouissances paradisiaques.

Dans la grâce du temps qui nous est donné mais compté, nous frémissons encore de tout notre être. L'espace d'un éphémère moment d'abandon et d'extase, nous nous prolongeons dans les ondes du temps d'aimer. Notre fidélité n'est qu'un sillage à l'écume des jours. Nous savons qu'il faut renaître bien au-delà de nous-mêmes pour engager en nos cœurs et imprimer en nos chairs, les instants de l'éternité.

En amour, la raison est le purgatoire de la sagesse, la pénitence de la réflexion, la convenance du devoir. Aimer, c'est lâcher prise !  Ainsi avant la contrainte sociale, le premier obstacle est d'abord en nous-mêmes. Nous sommes nos propres tabous. Les sentimentaux amoureux ne deviennent pas tous de bons conjoints aimants. Former un couple n'apporte pas non plus la garantie formelle de ne faire qu'un, surtout si l'attachement fait défaut ou si la versatilité cède au moindre trouble.

L'émotion rosissante est toujours provisoire, l'incertitude est l'écrin écarlate de l'éphémère beauté. Seul l'amour est durée, inépuisable dans le temps comme une promesse infinie. Il nous lie jusque dans la mort, par-delà l'oubli. En attendant, nous survivons dans la finitude et "l'insoutenable liberté de l'être". 

 

 

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Lettre de jouissance - Volupté 2/2

Publié le par modimodi

 BAL  CDC

Les plaisirs de l'abandon

Volupté ! Ô volupté, tu rends égalitaires les échanges entre partenaires pour qu'à tour de rôle, chacun soit le sexe faible.

Qui n'aime pas l'alternance ? Qui ne prend plaisir à camper sur ses positions : avoir le dessus ou être en dessous... de tout ? "Quand bien sûr, le Tout, c'est toi, c'est l'autre, mon amour !"

Seul parfois l'accouplement renforce la volupté pour la conduire à la jouissance libératoire. Elle parvient alors à déployer ses charmes jusque dans l'exultation. Certains mêmes, en souriant aux anges, laissent croire qu'ils ont trouvé le paradis des jubilations séraphiques dans les jouissances extatiques ! Mais il n'est même pas nécessaire de parvenir à la libération orgasmique du plaisir suprême pour connaître la chaude volupté et son troublant bien être !

D'ailleurs qui peut croire que la volupté ne se trouve que dans l'érotisme ! Non personne ! Même si bien sûr, quiconque conçoit presque d'instinct, qu'elle s'accomplit dans la synthèse alchimique du corps magnifié !

Oh ! Mes bons amis, qui nous dira l'ivresse des désirs, la joie des plaisirs délectables, les ravissements de la concupiscence au cœur de la passion, les transports frénétiques de la griserie la plus luxurieuse, le festin physiquement fougueux des exaltations du sexe, la subtilité suave des parfums fleuris de la chair !

Mais quel jouisseur raffiné saura aussi exprimer l'acmé de tous les sens quand ils sont mobilisés pour la création artistique ! Qui saura évoquer la sensualité des pinceaux de Titien, de Botticelli, de Raphaël, la fièvre maîtrisée des ciseaux de Rodin et de Camille Claudel !... Du paroxysme du génie, de la foi ou de l'amour pour Vénus ou Marie, du feu de la couleur au froid du marbre... Volupté, ô volupté !

Qui décrira l’émoustillement le plus léger comme le plaisir intérieur le plus vif d'être reconnu honorable et honoré pour son action et ses succès ! Qui expliquera la fierté intérieure et intense du devoir moral et du dévouement aux nobles causes humanistes ! Par l'onction reçue dans la componction, l'humilité plus que le triomphalisme est la forme sublimée de la volupté, qu'on penserait plus vulgairement sociale...

Qui exprimera la joie profonde et raffinée de la découverte du savoir et des études, l'émotion savourée, les yeux mi-clos, des enchantements et des révélations d'une recherche. Qui vous convaincra du luxe étonnant des idées, du don de fantaisie et de poésie dans l'écriture, donnée à la dégustation distinguée de quelques gourmets littéraires !

Qui vous parlera de la difficulté de formuler sa pensée et de la voluptueuse sensation de l'intuition germinative, quand enfin elle excite votre imagination pour éclairer votre page et transcender l'émotion dans votre plume !... Suprême élégance du cœur et de l'esprit, indicible ressenti d'une indéniable victoire sur vous-même et vos manques. Philosopher, c'est apprendre à mourir à ses illusions tout en vivant dans l'illusion qu'on peut se connaître soi-même !

Plus la souffrance de l'accouchement des pensées et des mots pour les dire est intense, plus la délivrance est intensive dans ce voluptueux rapport entre la douleur stoïcienne et le plaisir épicurien ! Singularité de l'impression qui s'imprime en vous, tout à la fois violente et douce, toujours secrète.

La volupté a toutes les nuances de vos cinq sens et la palette des couleurs de l'existence. Elle peut se révéler dans les plaisirs de la chair comme de la bonne chère. Elle se donne et se partage tout en demeurant exquisement personnelle. Il y a tant de subtile délicatesse dans un émoi ou une pose lascive, qu'il n'est nul besoin de s'adonner à un libertinage effréné, pervers et lubrique pour donner plus d'intensité à la volupté.

La libido n'est pas un péché de polissonnerie permanente qui exigerait de vous mortification, débauche, stupre ou fornication ! Dans la sémantique de l'amour, le plaisir des sens peut se passer des contresens !

La volupté est sans doute le moyen le plus agréable d'apprécier la vie et d'en profiter avec tact et discernement. Le voluptueux est un viveur raffiné qui connaît le sens des mots agrément et délassement. Il ne trouve avantages et satisfaction que dans la grâce des délices... Amis, je ne veux pour vous que cette fascinante capacité à jouir du meilleur que l'autre et la vie vous offrent !

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Lettre de jouissance - Volupté 1/2

Publié le par modimodi

 BAL CDC

Frissons et extase

Volupté ! Ô volupté ! Quel petit mot délicieux ! Rien qu'à prononcer, les yeux mi-clos, ses trois syllabes, déjà nos lèvres se tendent en offrande et notre imagination s'envole en volutes légères et voluptueuses vers un infini de désirs !

Ô vous, qui aimez la vie, la qualité des sens et des plaisirs, je vous offre la délectation de cette page ! Soyez dolents et recueillis, étirez-vous avec grâce et abandonnez-vous, doucement, lentement à vos sensations ! Recevez ces délicats baisers dans votre cou et laissez-vous parcourir de frissons !

Sentez glisser la caresse sur votre peau qui frémit à peine et mordez-vous la lèvre en retenant votre cri pour ce coup d'ongle modulé qui creuse le sillon des ardeurs, jusqu'à vos reins ! Premiers délices de jouissance, vous êtes déjà charnellement en union à l'autre ! Vous résistez et geignez de protestations déjà vaines. Vos refus esquissés sont des invitations à poursuivre le sensuel voyage du divin bonheur !

Vous frissonnez. Chaque seconde égrène en vous l'enchantement présent et distille le ravissement promis. Vous savourez avant même de consommer ! Le paradis sur terre monte l'échelle des divines promesses jusqu'au septième ciel des délits délicieux. Le divin office s'accomplit sur l'autel des plaisirs célestes. Vous séjournez au Saint des saints des anges de vertu. Au firmament de vos yeux éblouis, les étoiles poudroient de vertiges.

Comme vous ne craignez pas l'ivresse ou l'embrasement, vous vous pâmerez d'autant mieux ! Vous pourrez au paroxysme de l'émerveillement, perdre la vue de par la fascination des sentiments qui vous affectent et passer des tressaillements aux élans et des spasmes aux transes.

La volupté se délecte des pertes de conscience, appelées troubles, confusions et faiblesses pour justifier que vous en tombiez à genoux ! La dévotion d'amour est un acte de foi ! Malheur aux infidèles tourmentés par l'aiguillon de la chair et qui croient mériter la rédemption en multipliant les stigmates. Être bon vivant ou mort d'amour, quelle insolente question, quel impossible choix pour votre peau affolée, excitée de désirs !

Holà ! Holà ! Stop ! Pause et panne des sens ! Vous n'êtes et je ne suis pas un sybarite débridé ! Si la frustration ressource le désir, je vais vous combler, amis lecteurs ! Car je ne compte pas poursuivre plus loin ce qui pourrait s'apparenter à une page de roman libertin. L'habit d'Harlequin ne me sied pas, même si celui du moine ne me va guère mieux ! Non ! Ni Colombine ni un ange, seraient-ils du paradis romain ou latin ne peuvent m'inviter à vous transporter dans l'extase de la chair.

La volupté est joie discrète et souvent euphorie maîtrisée. Elle prend discrètement corps dans la jouissance sereine du bien-être physique, moral et même spirituel. La carmélite, Ste Thérèse d'Avila, toute énamourée de ravissement intérieur avait des manifestations physiques hallucinées. Sa poitrine gonflait de désirs quand elle s'offrait mystiquement, en union à Dieu, son époux. Elle nous a laissé des pages d'une sublime beauté poétique. Oui ! La volupté est tout entière jubilation dans les effets enivrants de la sensualité libérée jusqu'au point d'extase.

Nul besoin de licences et de descriptions suggestives pour un hédonisme assumé dans la délectation progressive des petits bonheurs. Toute réjouissance est l'écho le plus intime de vos propres jouissances. Les grâces qui vous sont offertes sont des fleurs de félicité. Laissez votre ravissement s'exalter et s'exhaler dans la confiance et l'abandon.

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Lettre aux exaltés : Troubles 1

Publié le par modimodi

AP  1

Mes amis proches ou lointains, vous êtes tous des êtres sensibles, de chair et de sang ! Vous vibrez comme des diapasons en déchiffrant les partitions d'amour de celui ou celle qui a su faire jouer la corde sensible. Vous êtes pincés, touchés ! Le soliste rêve déjà de devenir virtuose ! Il feint d'ignorer que le désamour puisse un jour lui mettre le la.

Au fond de vous, vous sentez et ressentez ce qui vous convient et vous est profitable. Vous pressentez par intuition ou par un sixième sens, le danger ou un heureux événement. Cette réceptivité extrême, cette vibration, cet écho de votre environnement en vous, sont les ondes sismiques de votre envie d'agir et d'aimer. Elles vous motivent, font naître vos idées ou vos désirs sans pouvoir toujours les objectiver autrement qu'affectivement, comme dans l'amitié entre Montaigne et La Boétie : "Parce que c'était lui, parce que c'était moi."

Du temps perdu au temps retrouvé, êtes-vous comme Swann, aimez-vous les chambres, les églantines et les madeleines, à l'heure du thé ? Êtes-vous toujours à la recherche du baiser perdu et pas seulement de celui de votre mère !... Pauvre Marcel, qui ne put transgresser son désir de tendresse et d'amour maternel que dans l'impuissance et chez qui, la femme aimée qui avait hérité du caractère phallique de la mère, ne put jamais être possédée...

Prudence ! Certains ou certaines abusent ou peuvent abuser de vous. Ils trouvent le chemin de votre cœur dans l'intention de le rebrousser. A vous promettre de vous faire prendre votre pied, celle-là ne pense qu'à vous le tordre dans les ornières des plaisirs faciles. Elle vous met à l'épreuve, vous tombez dans ses bras mais vous tombez "mâle". De la fleur bleue au bleu à l'âme, vous marquez le coup. Vous l'avez dans la peau ! Sa sensualité, sans dessus ni dessous vous met les sens inverses, sens devant derrière. Vous en perdez la tête, vous allez en tous sens, en dépit du bon sens.

L'admiration que vous éprouvez pour un être que vous avez qualifié d'exceptionnel peut vous porter à la dévotion. L'aimer en odeur de sainteté peut vous faire tomber à genoux devant elle. Sa folle piété vous fera peut-être mettre les bras en croix ! De la violence furieuse de sa passion, elle vous fendra le cœur et vous finirez en gibet de potence comme un écorché vif au bois d'amour de son ciel de lit !

Loin de la dialectique du discours amoureux cher à R. Barthes, vous êtes dans la pratique de la maîtresse et de l'esclave. Vous en êtes cinglé et sanglé. Elle vous prend dans ses menottes et vous fouette les sangs avant de vous cravacher. Vous avez pris la voie des plaisirs fétichistes et des sens interdits. Vous traversez l'extase dans des passages cloutés.

Elle vous stimule et vous éperonne. Vous êtes un fringant fringuant, vous piaffez, prêt pour la cavalcade. Vous pensez rester ferme sur les étriers, mais le trot est trop enlevé et au premier obstacle, vous faites le grand saut et mordez la poussière. Votre écuyère avait de l'amour une perspective bien trop cavalière. La belle amazone vous a bridé et vous avez fléchi devant ses dérobades.

Dans l'existence, c'est ce que nous éprouvons qui nous bouleverse. La concupiscence peut affoler votre raison. Une grande joie et une grande douleur peuvent être poignantes ou jouissives au point d'en être exquises. Une intense ardeur est souvent dévorante comme la flamme qui exalte le feu. Combien de destinées, fussent-elles royales, s'en sont trouvé embrasées, renversées et ruinées !

Si vous êtes fougueux et lyriques, vous n'avez pas fini d'être prisonniers de vos émois et de vos emballements. Celle que vous appelez princesse vous fera peut-être don du royaume de sa beauté mais exigera de vous le faste qui sied à son rang. Il va vous falloir avoir le gousset bien garni. Et même en étant bon prince, il va vous falloir sacrément vous en laisser conter pour croire aux vertus féeriques de la citrouille !

 

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Lettre aux exaltés : Confusion 2

Publié le par modimodi

EV

Mes amis, gentils lecteurs ou novices de la plume, vous avez besoin, chaque jour, d'exprimer votre sensibilité et de livrer vos impressions. Vous avez des ressentis perceptibles et des sensations observables. Votre corps parle pour vous. Une rougeur, un rictus, un regard, une ouverture des mains, une fermeture des bras et vous voilà étiquetés et catalogués par les morphopsychologues !

Il y aurait sans doute beaucoup à dire sur ces techniques d'outillage rationnel qui prétendent cataloguer nos manifestations physiques. Mais là, n'est pas l'objet !

Un renflement, une turgescence ne vous rendent pas forcément virils ! ... Parfois, vos sens sont remués, vos pensées se mélangent. Votre cœur s'emballe, votre tête s'affole. Vous voilà troublés, dominés par vos sensations. Votre conscience passe au second plan. Comme tous les êtres affectifs, vous êtes vulnérables.

Souvent sous le choc ou le stress quotidien, vous vous sentez mal. Vous avez l'impression de prendre un coup sur la tête, Vous commotionnez. Alternant agitation et désarroi, vous êtes émus, nerveux ou abattus. Les flegmatiques, impassibles vous reprochent d'être hypersensibles, impressionnables, de vous laisser piéger par vos sensations exacerbées que vous confondez avec vos sentiments.

Qui serait assez prétentieux pour prétendre distinguer de manière formelle l'ordre du cœur, de la raison. Comme si nous n’accomplissions pas en nous-mêmes la mystérieuse synthèse alchimique du cœur et de l'esprit ! Comme si nous n'avions pas perçu par nous-mêmes la difficulté d'être pleinement conscients de la complexité des mécanismes de notre personnalité et des opérations de l'esprit.

Ainsi, quand vous baignez votre plume, comment ne pas confondre les termes, lorsque ceux-ci révèlent des réalités proches et finement sensibles ? Comment exprimer la gamme étendue de vos sentiments, c'est à dire votre affectivité et rendre compte de la variété de toutes vos sensations, c'est à dire votre sensibilité ?

Confondre et embrouiller les termes est ignorance bien plus qu'erreur ou que méprise, est faiblesse bien plus que défaut de méthode et de clarté. Ne soyez pas gênés, il n'y a pas à en rougir. L'homme peut placer sa honte érubescente à un plus haut niveau quand il est question de morale et de passion. Réservez plutôt votre empourprement à la modestie ou à l'amour naissant.

Votre peau frémit, votre cœur est touché. Votre existence prend ou laisse des empreintes en permanence. Eh bien, tant mieux ! Vive la sensibilité qui vous permet d'avoir la sensation de bien-être au point d'en devenir euphoriques, voire exaltés. Vive l'affectivité qui permet à vos passions de se dévoiler dans leur violence et leur profondeur !

Personne ne pense à prendre ses jambes à son cou, quand il prend son pied ! Personne ne prend la clef des champs, s'il tient celle du paradis. Oui, vous n'agissez pas uniquement avec raison et réflexion mais aussi par élans et coups de cœur ! Oui, vous pouvez aimer la confusion des sensations et le dérèglement rimbaldien de tous les sens ! Même si aimer à en perdre tête et raison est une troublante confusion mentale, parfois poétique, parfois traumatisante.

Deux morales coexistent. Celle des principes et du devoir et celle des émotions et des sentiments. La première, comme pour tout être humain, vous range dans les caractéristiques sociales des individus. Elle est universelle. Elle pourrait même, au hasard de votre fidélité de lecteur ou de spectateur, déclencher sans quiproquo votre estime ou votre admiration pour l'auteur et l'artiste.

La seconde vous donne votre originalité, marque votre caractère d'une personnalité unique. Elle vous permet d'obtenir amitié et amour. Elle n'appartient qu'à vous-mêmes, elle vous est spécifique et privée. Elle s'affirme dans votre unicité, votre intériorité et votre liberté. A vous de le confier à votre plume.

Pourquoi voudriez-vous que votre propre passion d'aimer ou d'écrire vous aliène ? Dans l'exercice de style de la poésie romantique, vous êtes obligatoirement conduits à décrire le trouble envahissant et la violence de vos désirs. Pourquoi vous apitoieriez vous, sans cesse sur votre perte de conscience et vous diriez vous victimes de la tyrannie d'amour ?

Parfois la fusion avec l'autre n'est plus que confusion au point de vouloir ne plus faire qu'un... "Aimer jusqu'à la déchirure, même trop, même mal"... Disparaître dans l'infini du sentiment d'aimer. Oui, les tourments d'amour inspirent des pages bouleversantes et somptueuses de la chanson pour de romantiques don Quichotte ou d’œuvres de littérature pour les douleurs violentes des poètes. Vous pourriez le devenir.

Oui ! L'amour passe l'oubli et le temps. Car l'amour n'est pas aliénation et soumission, l'amour est la seule réalisation de chacun dans sa pleine et entière liberté, hic et nunc et parfois, in saecula saeculorum, ad vitam aeternam ! Les grands croyants et petits pratiquants peuvent même, les yeux révulsés, murmurer dévotement, en exaltation extatique... Amen !

 

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