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Lettre à ma fugueuse inspiration 1/2

Publié le par modimodi

 BAL CDC

Attentes !

Ô muse ! J'attends ! Je t'attends !"

Que de fois, ai-je prononcé ces mots, disait un matelassier en plumes ébouriffées, un besogneux rimeur, un barde faiseur de vers, un strophes-trotteur, un roule-ta-plume au vent, un rêveur rimailleur toujours contraint d'aller porter ses rimes ailleurs !

J'attends ! Je t'attends !

Toi, ma fugueuse inspiration ! Toi, qui détales et te dérobes quand mon imagination part en escapade ! Toi, fille de l'air, du vent et des nuages ! Toi, farfadet bondissant dans la ronde des fées de mon logis ! Toi, petite plume, duvet et soie sauvage dans l'envol de mon esprit !

Toi, ma pressentie, imaginée, dessinée, effleurée, caressée ! Toi, ma chérie, mon aimée, ma vénérée, mon adorée, ma pensée imagée ! Toi, l'expression idéale, azurée, séraphique, étoilée qui remplira l'espace de ma page et le ciel de ton cœur !

Toi, loup blanc de mes rêves, en fuite dans ces trop longues nuits d'hiver où mon corps gourd frissonne devant le feu éteint ! Toi isatis, renard bleu, tapi dans l'antre de mon cœur glacé. Toi, perdrix des neiges, quand mes sentiments courent en débandade sur les interminables pages blanches de l'insomnie. Toi, qui m'attends figée comme une proie dans l'ombre !

Toi, sur qui, sans calcul, j'ai eu tort de compter ! Toi, à qui j'ai tout donné, sans regarder à la dépense de mes idées, à la débauche de mes pensées ! Toi, ma gabegie de fantaisie beaucoup trop escomptée dans la surabondance de mes néologismes ! Toi, mon reste d'humour épuisé de boutades banales ! Après toi, derrière toi, je me traîne terne et désemparé. S'il te restait au moins une fioriture !

Ai-je eu tort de t'attendre, toi, ma laborantine d'officine des belles lettres ? Je croyais que tu avais la science infuse, que tu me concocterais des tisanes macérées aux fleurs de rhétorique, quand bien même desséchées et des emplâtres à appliquer sur les plaies infectées de mes fautes d'orthographe et de style. Au total, je n'ai pu soigner ma sinistrose latente et ma bouffonnerie aiguë ni redresser ou rétablir mes platitudes. J'ai juste évité la surinfection.

Ma déesse inspirée, de toi, ma sérieuse petite fille d'Hygie, je n'ai pas reçu la frivolité en transfusion ni de remède euphorisant. Tu m'as offert des contraceptifs mais je n'ai pas évité l'emphatique. Ton tonique était un sédatif, mon cerveau était en léthargie créative. J'ai gardé mon asthénie spirituelle. Je suis resté souffreteux de pensées et encombré de miasmes scripturaires baveux. Sans respect d'aucune prescription, j'ai quand même eu ton compte... d'apothicaire ! C'est payé bien cher pour quelques placebos de formules homéopathiques délivrés au compte-gouttes. En fait d'inspiration, tu avais le souffle court et tu te gargarisais de pouvoir améliorer ma respiration oppressée de tant d'efforts fournis.

Je t'attends toujours, toi, mon hésitation, ma valse lente de réserves et d'indécisions. Toi, petit caprice tourbillonnant d'une vie d'artiste imaginée ! Toi, doux vertige, toi, mon étourdie ! Toi, mon rêve de perfection académique, toi, ma meneuse de revue, toi, qui m'a rappelé, quand je me rétalais, que la prose est un enchaînement d'arabesques stylistiques, de pirouettes expressives et de grâce légère, sans faux pas ni contretemps.

Oh ! Tu as bien tenté de corriger mes mauvaises postures, en pas chassés derrière tous mes néologismes, d'éviter mes glissades stylistiques en d'innombrables retouches de mes positions pompeuses et redondantes, en m'imposant des piqués de pensées et des développés d'idées. J'ai suivi ta chorégraphie et tes reformulations en pointes et fouettés. J'ai recouru aux ratures des figures en grands jetés pour enfin trouver la cadence, le mot juste et l'intacte émotion dans l'ultime saut de l'ange ! Toi, ma contredanse, toi, mon cancan aux expressions retroussées, toi, mon grand écart à l'orthodoxie lexicale et syntaxique ! Je suis resté gauche dans ma révérence !

Toi, ma paralysante déception, ma tétanisante désillusion ! Avec toi, je me suis souvent retrouvé dans l'impotence de l'écriture. J'ai dû affronter le chahut des idées à la manque et le désordre des intentions embrouillées. J'ai été mille fois, frustré de ne pouvoir atteindre l'uniforme harmonie des écrits et des certitudes !

Toi, diable d'exaspération qui, après m'avoir fait mariner, prends encore plaisir à me faire mijoter, à tous petits feux ! Toi, infernal esprit enflammé de critiques, qui me mets sur le gril et des charbons ardents ! Et pourtant ! Je sais bien qu'Enfer et damnation éternelle sont l'alchimique creuset de Baudelaire et Rimbaud ! Mais hélas, avec toi, ce n'est jamais du tout cuit dans le bec verseur de l'encrier ! Je mets du noir sur blanc et suis noir comme un four !

Je t'attends, toi, qui tardes à venir ! Toi, que j'appelle ! Ô succès, ô reconnaissance, ô estime ou admiration ! Toi, que j'espère depuis... 107 ans et plus, égaré dans la Légende des siècles ! Toi, que je veux et à qui je fais humblement et assidûment tes trente-six volontés ! C'est quand tu veux, oui, c'est quand vous voulez, réussite, renommée ou gloire couronnée de lauriers ! Pour l'instant, ils trempent à toutes les sauces et je ne sais toujours pas à laquelle, je serai finalement mangé.

Je t'attends ! Toi, mon heure alanguie dans le murmure des plaintes et du morne silence ! Toi, ma douce heure, ma nonchalance ! Toi, ma belle occasion à saisir comme la providence ! Toi, l'envol de ma vie plus léger que ma plume ! Toi, ma patience et ma lente heure assoupie de soupirs ! Toi, mon silence confus d'oublis. Toi, ma fugitive chance, au petit ou au grand bonheur !

Je t'attends ! Toi, que je suis en vaines traces, à en perdre patience et haleine dans la file des promesses littéraires ! Toi, qui m'as laissé en attente, de réponses, de perspectives et de signes ! Toi, qui penses résister et subsister à mes côtés, en me laissant dans cette interminable durée ! Toi, qui voudrais me faire croire que c'est ainsi qu'on devient immortel ! Mais en fait de Coupole, ce n'est que tempête sous mon crâne !

Je t'attends ! Toi, plume inspirée, dont je n'attends plus rien ! Toi, mon indigente et pauvre de moi ! Toi, si modeste d'espérances, jamais lassée de tant d'attentes vaines ! Toi, mon éternel doute ! Toi, mon indécise, ma douceur incertaine qui me laisses en souffrance ! Toi, drapée de brume et de grisaille, mon chagrin et ma peine de cœur !

Je t'attends encore et toujours, mais t'attendre, en vaut-il la peine ?...

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P
Le désespoir de l’écrivain qui attend d’être reconnu et qui doute.<br /> Mais non, vous avez du talent, patience.<br /> <br /> La ligne d’horizon vous semble bornée, (comme l’homme… ce n’est pas moi qui le dit).<br /> Mais non, l’espoir fait vivre.<br /> <br /> -« Tout vient à point à qui sait attendre. »<br /> <br /> La valse lente à trois temps va se transformer, avec le succès, en une valse à mille temps étourdissante.
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J
C'est gentil de me confondre, Chère Pénélope, avec un écrivain!
M
Dans la vie nous sommes toujours dans l'attente d'une chose......mais pour vous, l'attente a été fructueuse.....continuez à attendre pour notre plaisir !!<br /> Merci d'avoir attendu.....
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J
Merci Morgane! Je veux bien attendre pour votre plaisir!...