Dans les orties
FA
L'amour est un aiguillon
Qui vous parcourt de frissons.
Il vous pique, il vous excite,
Et dérègle les conduites.
Il perturbe le jésuite
Qui médite et qui s'agite
De pensées de sybarite,
En psalmodiant l’introït.
Il trouble la carmélite,
En agitant l'eau bénite.
Il affole Marguerite
Qui s'effeuille à la va-vite.
Nous avions vingt ans, ma foi,
Naïfs, tendres, de vert bois,
Tout en rêves, en rires, en joies,
Des désirs au bout des doigts.
Il nous a pris de sang froid
Sans nous en donner le choix.
Nous a piqués toi et moi.
D'un' flèche de son carquois
Nous voilà émoustillés,
Remués, électrisés.
Nos corps fous sont survoltés,
Par la passion enflammés.
Nous ne savions pas qu'aimer
Pouvait tant nous secouer.
Chacun se sent picoté,
Chatouillé et démangé.
C'est la danse de Salomé,
Le besoin de s'trémousser,
Un' furieuse envie d'sauter,
Contre l'autre se jeter.
Hélas ! Rien ne peut durer !
Adieu ! La lubricité,
Nos exploits d'agilité !
Le temps sur nous a passé...
La tendresse a tempéré
Nos élans et nos excès.
Nous manquons d'vivacité
Pour élans et chevauchées.
Mais j'te vois te trémousser,
Qu'est-c'qu'y'a bien pu t'arriver ?
La vieillesse a-t-elle frappé ?
Je pouvais le redouter.
Quand les fraises sont à sucrer,
On finit, un jour, par trembler,
Le cœur se met à clapoter
Et les jambes à flageoler.
Mais nous n'somm' pas encore morts !
On est bien loin du transport,
Au pied du grand sycomore.
Nous avons encor' plein d'ressort.
Ah ! C'est bête ! Je suis en tort !
V'là que j'ai perdu le Nord,
J'suis un grincheux, un butor,
Un furieux mégalosaure.
Parce qu'en plein désaccord,
J'ai poussé, un peu trop fort,
Ma mémé dans les orties,
Elle a la danse de St Guy !
Plus de migraine, d'insomnie,
Malaises, refus et litanie :
"Ne défais pas mes bigoudis,
N'abîme pas ma mise en plis !"
J'ai la solution ! Sapristi !
Je sais comment chaque nuit,
Sans un reproche et sans un cri,
Ranimer l'corps de la momie !
Commenter cet article