Attentes
EMI
Mon amour, je t'attends
Comme la fleur attend le fruit,
Comme Roméo attend Juliette,
Comme la mort attend la vie.
Pourquoi te refuser
Pour vivre l'aventure
Et les amers hasards
Des désaccords parfaits.
Pourquoi t'émerveiller
Du chant des discordances
De l'été à l'automne,
Du soleil à la foudre,
De la rose à la neige ?
Ne t'étonne pas des cadences,
Quand elles marquent les heures
Désunies et rebelles
De tes révoltes tourmentées,
De mes pathétiques attentes.
Ne bâillonne pas mes mots.
J'appelle encore au retour
Des frissons, des tremblements et des sursauts.
L'espoir n'est pas le leurre du destin,
Les révoltes, les cris ou les sanglots
D'un amour sans issue,
Au fond du gouffre de l'oubli.
Souviens-toi,
Quand dans l'éclat de nos yeux pâles,
Nous riions comme des enfants
De l'or des sabliers,
Écoulés en nos vies.
Je suis comme l'instant,
L'émotion, les désirs,
Un vain silence,
Quelques éclats de verre
En ta fragilité.
Je suis comme la lueur,
Un éclat de soleil
Égaré dans tes yeux,
Enfoncé dans ton cœur.
Je suis comme la trace
De ton pas dans le sable,
Mouvant et provisoire
En attente du large.
J'ai rêvé d'infini,
D'une île où m'échouer.
Mais tu ne m'as pas emporté
Dans les galops bleus et glorieux
De l'océan exalté de conquêtes.
Ton voilier s'en est allé affronter l'horizon.
As-tu bravé, dompté les flots de l'avenir
Et découvert le nouveau monde
A la cime des étoiles ?
Je suis comme une coque vide
Envasée et noyée
Dans cette laisse, à découvert.
Comme les coraux à l'océan,
Je t'appartiens sans le vouloir.
Tu es le rose coquillage,
De mes pêches à la quarantaine.
J'ai eu tous les délices
Et les plaisirs de mer.
J'ai dormi dans tes plis
Et tes grands bras d'écume.
J'ai appris le monde en tes yeux
De perles et de nacres.
Je me suis échoué
Aux brisants de ta vie.
J'habite, à présent,
Des lieux insolites et austères,
Des manoirs mélancoliques,
Forteresses de ta séduction,
Dressées sur les éperons orgueilleux
De ton cœur assiégé.
Je suis sans repos.
J'ai le cœur au créneau.
Il te cherche dans chaque meurtrière,
Ébréchée de lumière !
Tu t'échappes d'entre deux pierres,
Tu te métamorphoses
En brin d'herbe ébloui de soleil.
Pourquoi veux-tu échapper
Aux frissons du premier matin,
Aux scintillements de la rosée ?
Le ciel d'amour, de blés et de bleuets
Est un grand champ à moissonner.
Mais tu te dérobes à toi-même,
Tu fuis l'été et les orages de la passion,
Tu chasses le jour de tes yeux gris.
Drapée dans ton mystère,
Tu jettes sur moi ton voile.
Es-tu encore réelle ?
Vais-je errer comme un spectre ?
Suis-je l'ombre d'Hamlet
Aux remparts d'Elseneur ?
Régnerais-tu en ma folie
Ô ma blanche Ophélie ?
A la source tarie du paradis perdu,
Tu es mon eau dormante,
Mes ténèbres et mon silence.
Ô mon amour,
Tu es l'ange de la tentation,
L'Ultime déraison de vivre et de mourir.
Tu es ma peur et mon refus
De languir et dormir,
Dans ta nuit éternelle !
Tu es la blessure
Et la splendeur du rêve
Qui me tient éveillé, ce soir.
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