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Lettre aux exaltés : Confusion 2

Publié le par modimodi

EV

Mes amis, gentils lecteurs ou novices de la plume, vous avez besoin, chaque jour, d'exprimer votre sensibilité et de livrer vos impressions. Vous avez des ressentis perceptibles et des sensations observables. Votre corps parle pour vous. Une rougeur, un rictus, un regard, une ouverture des mains, une fermeture des bras et vous voilà étiquetés et catalogués par les morphopsychologues !

Il y aurait sans doute beaucoup à dire sur ces techniques d'outillage rationnel qui prétendent cataloguer nos manifestations physiques. Mais là, n'est pas l'objet !

Un renflement, une turgescence ne vous rendent pas forcément virils ! ... Parfois, vos sens sont remués, vos pensées se mélangent. Votre cœur s'emballe, votre tête s'affole. Vous voilà troublés, dominés par vos sensations. Votre conscience passe au second plan. Comme tous les êtres affectifs, vous êtes vulnérables.

Souvent sous le choc ou le stress quotidien, vous vous sentez mal. Vous avez l'impression de prendre un coup sur la tête, Vous commotionnez. Alternant agitation et désarroi, vous êtes émus, nerveux ou abattus. Les flegmatiques, impassibles vous reprochent d'être hypersensibles, impressionnables, de vous laisser piéger par vos sensations exacerbées que vous confondez avec vos sentiments.

Qui serait assez prétentieux pour prétendre distinguer de manière formelle l'ordre du cœur, de la raison. Comme si nous n’accomplissions pas en nous-mêmes la mystérieuse synthèse alchimique du cœur et de l'esprit ! Comme si nous n'avions pas perçu par nous-mêmes la difficulté d'être pleinement conscients de la complexité des mécanismes de notre personnalité et des opérations de l'esprit.

Ainsi, quand vous baignez votre plume, comment ne pas confondre les termes, lorsque ceux-ci révèlent des réalités proches et finement sensibles ? Comment exprimer la gamme étendue de vos sentiments, c'est à dire votre affectivité et rendre compte de la variété de toutes vos sensations, c'est à dire votre sensibilité ?

Confondre et embrouiller les termes est ignorance bien plus qu'erreur ou que méprise, est faiblesse bien plus que défaut de méthode et de clarté. Ne soyez pas gênés, il n'y a pas à en rougir. L'homme peut placer sa honte érubescente à un plus haut niveau quand il est question de morale et de passion. Réservez plutôt votre empourprement à la modestie ou à l'amour naissant.

Votre peau frémit, votre cœur est touché. Votre existence prend ou laisse des empreintes en permanence. Eh bien, tant mieux ! Vive la sensibilité qui vous permet d'avoir la sensation de bien-être au point d'en devenir euphoriques, voire exaltés. Vive l'affectivité qui permet à vos passions de se dévoiler dans leur violence et leur profondeur !

Personne ne pense à prendre ses jambes à son cou, quand il prend son pied ! Personne ne prend la clef des champs, s'il tient celle du paradis. Oui, vous n'agissez pas uniquement avec raison et réflexion mais aussi par élans et coups de cœur ! Oui, vous pouvez aimer la confusion des sensations et le dérèglement rimbaldien de tous les sens ! Même si aimer à en perdre tête et raison est une troublante confusion mentale, parfois poétique, parfois traumatisante.

Deux morales coexistent. Celle des principes et du devoir et celle des émotions et des sentiments. La première, comme pour tout être humain, vous range dans les caractéristiques sociales des individus. Elle est universelle. Elle pourrait même, au hasard de votre fidélité de lecteur ou de spectateur, déclencher sans quiproquo votre estime ou votre admiration pour l'auteur et l'artiste.

La seconde vous donne votre originalité, marque votre caractère d'une personnalité unique. Elle vous permet d'obtenir amitié et amour. Elle n'appartient qu'à vous-mêmes, elle vous est spécifique et privée. Elle s'affirme dans votre unicité, votre intériorité et votre liberté. A vous de le confier à votre plume.

Pourquoi voudriez-vous que votre propre passion d'aimer ou d'écrire vous aliène ? Dans l'exercice de style de la poésie romantique, vous êtes obligatoirement conduits à décrire le trouble envahissant et la violence de vos désirs. Pourquoi vous apitoieriez vous, sans cesse sur votre perte de conscience et vous diriez vous victimes de la tyrannie d'amour ?

Parfois la fusion avec l'autre n'est plus que confusion au point de vouloir ne plus faire qu'un... "Aimer jusqu'à la déchirure, même trop, même mal"... Disparaître dans l'infini du sentiment d'aimer. Oui, les tourments d'amour inspirent des pages bouleversantes et somptueuses de la chanson pour de romantiques don Quichotte ou d’œuvres de littérature pour les douleurs violentes des poètes. Vous pourriez le devenir.

Oui ! L'amour passe l'oubli et le temps. Car l'amour n'est pas aliénation et soumission, l'amour est la seule réalisation de chacun dans sa pleine et entière liberté, hic et nunc et parfois, in saecula saeculorum, ad vitam aeternam ! Les grands croyants et petits pratiquants peuvent même, les yeux révulsés, murmurer dévotement, en exaltation extatique... Amen !

 

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