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Lettres au cœur de l'arc-en-ciel 3/5

Publié le par modimodi

CONF BAL

Au sortir de la nuit - Noir

Ô mon amour, ma femme-enfant ! Tu as tous les pouvoirs, des plus éclatants aux plus occultes. En ce matin gris pâle de décembre, je me réveille à ton côté dans le parfum réglisse de ta peau nue. Ta chevelure ébène est comme ma nuit d'écorce brûlée et les tisons éteints de mes rêves calcinés.

Je te distingue à peine, tant tu fais corps avec l'obscurité. Le demi-jour s'est acharné à déchirer les tentures de la nuit. Des lambeaux de lumière ne me permettent pas de distinguer les détails de ta beauté informelle. Ma vision tente de te dessiner avec le charbon des ténèbres sur le damier de nos draps blancs.

Dans les halos bleutés et violacés de la nuit qui s'en va et les fumées du jour ardoise qui s'en vient, tu t'insinues d'abord en courbes et en stries noires plissant la surface inerte du lit. Comme dans un tableau de Soulages, chaque ondulation en souples symétries, accroche de crêtes en sillons des lueurs moirées qui, sur ta peau d'ivoire contrastent avec tes yeux de feu et d'obsidienne. Tu es "l'outrenoir" qui sature sa peinture de "noir lumière" et envahit le vide en mon esprit.

Tu es pour le temps de ma mémoire, l'origine du clair-obscur, le vitrail de la rosace dans la cathédrale de ma nuit. Tu es la symbolique de mon écriture, la vie ressuscitée triomphant du deuil et de de la mort. Tu absorbes et réfléchis l'encre de mes désirs qui griseront tantôt ma neuve page blanche.

Aux teintes sombres de mes pensées, tu apporteras la transparente hésitation des clartés de l'aurore. Tu ôteras l'opacité à la matière mate de mes rêves nocturnes et je capterai tes mystères dans les jaillissements d'éclats de ta lumière.

Toi seule vas hachurer les croquis cendreux des ombres de suie dans cette nuit évanescente. Toi seule vas me laisser la trace des griffes incertaines de l'aube balbutiante. Tu es son pavot noir. Le sortilège de ton premier mot tisse sa soie pour m'emprisonner dans ses mailles, ses ondes et ses vibrations lumineuses.

A jamais, tu seras mon œuvre au noir. Rimbaud offrira l'alchimie de ses voyelles : "A, noir corset velu des mouches éclatantes qui bombinent autour des puanteurs cruelles." Je te retrouverai, le teint grisâtre mais joyeux dans les arcanes de la poésie et nous danserons ensemble la danse macabre sur "les cadavres exquis".

La chrysalide de ta beauté a déployé peu à peu son champ céleste. Des ailes bleuies du corbeau menaçant, du voile de la nuit fantastique et des étoiles noires, a surgi l'azur constellé qui te délivre et te nimbe de mystère et de lumière.

Tu n'es plus blême, mourante et triste comme la blanche Ophélie. Tu m'offres en ce matin irisé des encres de la nuit, un bouquet de fleurs d'espoir, une palette de couleurs, rose à tes joues, rouge à tes lèvres, bleu à l'acier de ton regard, or à la lame qui me fauche comme un épi.

Je vais renaître entre tes bras jusqu'au prochain couchant où tu te réincarneras en soleil noir pour enflammer la nuit. Je n'ai plus peur de l'inconnu et de l'invisible. Je peux marcher sur le pavé mosaïque de mes nuits blanches et élever mon regard, jusqu'à la croix du sud.

Pour nos noces de lumière, je vais composer avec toi une gerbe d’iris et de tulipes, de lys et de glaïeuls cueillis au jardin parfumé de notre clair amour. Nous vivrons mon ange, comme deux oiseaux-lyres, dans la joie et les délices azurés de l’Éden.

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