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Enfance : Le cheval à bascule 2/2

Publié le par modimodi

 CONF 6

En général, les sexes et les genres sont généralement différenciés par le choix des jouets. Nous avons parfaitement illustré la norme admise.

Nous étions trois enfants à la maison, une fille et deux garçons. Sans tomber dans les stéréotypes souvent répandus et tenaces, j'admets volontiers que si chacun jouait à la balle, sautait à la corde et câlinait son nounours, nos occupations ludiques étaient dissemblables. 

Ma sœur jouait avec ses poupées et son baigneur, sa dînette, son nécessaire de toilettes, sa trousse à maquillage, ses colliers de perles, ses bijoux à fabriquer et ses châteaux de princesse... Mon frère et moi préférions jouer aux billes, faire des courses de voitures, manipuler et guerroyer avec nos soldats de plomb, combattre en preux chevaliers à l'épée, tirer du revolver comme des gangsters et arborer nos panoplies d'indiens....

Mais ce que j'ai toujours aimé le plus, c'était de me balancer dans mon cheval à bascule. Combien de fois, je m'y suis endormi, bercé par le mouvement lancinant qui oscillait ma vision d'avant en arrière et la troublait peu à peu, estompant la netteté des objets et du décor.

Je me revois encore enfourcher mon ami, en bois clair, m'asseoir à califourchon, sur la selle-siège, empoigner chaque bâton d'oreille et d'une poussée vers l'avant du corps commencer à balancer. J'ai tout de suite la sensation d'avancer, de trotter puis dans un rythme croissant de galoper. Au comble de l'excitation, je marque mon plaisir de bruyants éclats de rire tout en caracolant, les mains accrochées à la crinière de mon petit Pégase.

Même en grandissant, lors de la ducasse annuelle du village, je grimpais invariablement sur les chevaux de bois, qui en montant et descendant me donnait à nouveau, l'illusion de galoper. Rênes en mains, pieds calés dans les étriers, j'entreprenais des chevauchées débridées, renforcées par la vitesse du manège.

Je laissais à ma sœur la balancelle de son carrosse de princesse, tandis que mon frère tournait frénétiquement le volant de sa voiture de sport. Pour faire un maximum de bruit, il klaxonnait avec ardeur, en appuyant sur une belle grosse poire rouge, aux cris rauques et enroués. Je l'entends encore. Mais au-delà du bonheur retrouvé sur mon cheval à bascule, j'étais une fois perché dessus, favorisé pour attraper le pompon qui donnait droit à un tour de manège gratuit.

Aujourd’hui le temps a passé pour me convertir en cheval de retour. J'évoque avec une douceur nostalgique ces amusements enfantins. Je mesure comment mon imagination m'a permis de vivre d'un cœur chevaleresque de folles aventures. J'imagine aussi qu'ils ont influencé ma vie.

On me dit à cheval sur les principes et toujours prêt à enfourcher le cheval de bataille de mes convictions. En effet, je ne me laisse pas désarçonner par la difficulté. Je suis plutôt franc du collier et n'hésite jamais à monter sur mes grands chevaux. Impossible de m'en balancer quand je suis emballé de tous mes sabots par une noble cause.

Quelques belles pouliches ont testé mes côtés fringants et fougueux. Lorsqu'elles ont tenté de convertir mon jeu de dames en jeu d'échecs, je n'ai alors pas hésité à dévoiler mes aspects ombrageux et à prendre le mors aux dents... Je n'ai pas succombé à leurs jeux d'amour, lorsqu'elles ont voulu me bercer de promesses et d'illusions pour me faire tourner bourrique. Sans ruer comme une rosse, je suis alors parti, à bride abattue, battre la verte campagne.

"Qui veut voyager loin ménage sa monture". Aujourd'hui, c'est moi même que je cravache pour garder la joie de jouer avec les plaisirs de la vie, sans être vieux jeu... Je ne suis pas un crack mais mon dada, c'est de dompter l'écriture et les jeux de mots rythmés et renversants, du grand rodéo littéraire. Je veux divertir le plus grand nombre sans faire vaciller son intérêt ni le faire chuter dans la lassitude.

Je ne prendrais pas le risque de finir moi-même étrillé. J'occupe une grande partie de mes passe-temps à distraire chacun pour éperonner sa curiosité. Je m'efforce toujours, sans le désarçonner, d'emporter le lecteur, sur le cheval à bascule de l'émotion de mon enfance.

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