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Articles avec #confidences tag

Lettre à Dagobert 4/4

Publié le par modimodi

CONF 27  

Tout finit par des chansons

Ô Dagobert, après toi, personne n'a oublié l'image négative des rois fainéants (de 673 à 751). L'iconographie a retenu aussi la période des rois chevelus en filiation à la force capillaire de Samson et des rois de l'ancien Testament.

Pour ne citer que deux des souvenirs historiques les plus vivaces, deux personnalités aujourd'hui sont passées à la postérité. Les célèbres figures de Charles Martel qui brisa la cavalerie musulmane venue envahir l'Aquitaine et celle de Pépin le Bref qui mit fin à la dynastie mérovingienne survivent dans notre mémoire collective !

A toi, on attribue plutôt des pantalonnades que tu as dû malheureusement endosser ! Chacun peut imaginer ta tête de défroqué quand tu as dû te rhabiller. Par contre, durant ton règne, personne n'avait pu te reprocher d'avoir retourné ta veste.

Mais la gloire s'amuse à te poursuivre. Tu mérites bien ta joyeuse et chantante renommée. On te brocarde encore aujourd'hui pour tes étourderies, à travers la célèbre chanson du Bon Roi Dagobert. La culture populaire a rendu légendaire ton air distrait.

Tu l'étais à un point tel que tu avais pris l'habitude de mettre tes braies à l'envers. Selon Wulfram de Strasbourg, chroniqueur du VIII -ème siècle, tu étais en plus myope et tu te prenais régulièrement les pieds dans le tapis. Si les sources sont exactes, il t'est arrivé de chuter sous les regards médusés des témoins, en entrant dans la salle du Conseil.

En bon vivant, avais-tu alors abusé de quelques pintes ou étais-tu gêné à l'entre-jambes d'avoir enfilé à l'envers, tes maudites chausses ? Les chansonniers de l'époque ont-ils pris un malin plaisir à confondre fesses en l'air avec fesses à l'air ? Avais-tu mélangé pied droit et pied gauche et bêtement interverti tes souliers ? Mais paraît-il que tu étais d'un naturel renversant et que tu riais, toi-même, de tes fréquentes maladresses.

Le chant que tout le monde fredonne, semble dater de la Révolution Française. Écrit sur un air gaulois de danse, dit Fanfare du Cerf, il n'aurait pas pour but de transcrire ta vérité historique. En effet, tu étais plutôt mal connu à l'époque. Il vise plutôt à se moquer du roi Louis XVI, jugé comme ton digne successeur ! On l'ignore souvent mais le souverain était connu pour sa personnalité distraite. S'il tenait peut-être la culotte (et encore, rien n'est sûr, vu le tempérament de Marie-Antoinette !), en tout cas, il ne tenait pas le cou !

La comptine fondée sur une vieille mélodie populaire était composée de 22 couplets. Elle fut reprise plus tard en 1814 pour tourner en dérision Napoléon, notamment à propos de la désastreuse campagne de Russie.

"Le roi faisait la guerre

Mais il la faisait en hiver ;

Le grand saint Éloi

Lui dit : O mon roi !

Votre Majesté

Se fera geler.

C'est vrai, lui dit le roi,

Je m'en vais retourner chez moi."

Casse-cou, tête-en-l'air et cul par-dessus tête, il fallait sûrement un esprit à l'envers comme le mien pour s'intéresser à toi, Dagobert ! A part ceux qui ont pu, dans l'abbaye de Saint-Denis, se recueillir sur ton tombeau reconstruit par saint Louis, tu as laissé peu de traces.

Pour ce qui te concerne, chacun a conservé joyeusement l'image populaire et chantante de ta culotte à l'envers. Beaucoup ont oublié ou ignorent simplement ta capacité à aller de l'avant comme à faire progresser le pays sans jamais rebrousser le chemin du progrès économique et social.

Voilà ! Mon rapide hommage ! Un peu d'histoire de France, un peu de ton histoire et quelques sourires en prime ! Mais que se passe-t-il ? En royal franchouillard, je me sens tout à coup frappé de ton syndrome...

Je poursuis comme toujours un arrière-train de pensées que je vais trop vite laisser tomber et je me dévoile comme un débraillé stylistique à mes lecteurs. Non content d'accumuler en général les contre-sens et les bourdes d'inattention, voici qu'à présent, je pense et j'écris en verlan !... Icrem ! Ô nom nob dnarg ior trebogaD !

 

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Lettre à Dagobert 3/4

Publié le par modimodi

CONF 26  

Un roi légendaire

Mon bon Dagobert, à te suivre dans les hauts faits de ta vie, rien ne laissait présager que tu renoncerais, baisserais pavillon ou que tu pourrais te déboutonner devant l'adversité !

Durant ton règne, pour toi, il n'est jamais question de baisser ton froc ou de t'en moquer comme de ta première culotte ! Tu n'as jamais, comme on le dit un peu vulgairement, serré les fesses et tu ne t'es jamais laissé acculer. Bien au contraire, tu as commandité de sang froid de nombreux assassinats, maints crimes de lâche majesté, pour te débarrasser de grands seigneurs, peut-être même dit-on, de ton propre neveu !

Mais quand même, tu devais avoir très tôt, la couronne de traviole et l'esprit de travers ! Les récits de ton existence légendaire en témoignent... Adolescent, lors d'une chasse au cerf, tu assistes au miracle des Saints Denis et Eleuthère qui sauvent l'animal. Tu apprends que le cerf depuis des temps immémoriaux est un animal mythique, symbole païen du cycle de la vie mais aussi symbole chrétien du Christ, tel que figuré par le cerf blanc de saint-Hubert. Tu inscris le phénomène dans ta mémoire et dans ton cœur. Car, c'est plus tard, grâce à la gravure d'un cerf que tu reconnaîtras le tombeau de St-Denis. Ceci explique, peut-être cela, si l'on veut bien croire à la corne d'abondance des célestes bienfaits et qu'on examine l'envers du décor de ton imagerie populaire.

Quelques temps après, tu as encore avec Saint-Ouen, la vision d'une croix lumineuse dans le ciel. Ta vie devient alors fantastique et illuminée... La guérison divine des blessures de ta fille Notburge, celle de ta propre fièvre puis plus tard de la lèpre, après t'être roulé dans la rosée sont des thaumaturgies, à en tomber le cul par terre... Au fond, un tout cohérent avec ta légende.

Ces événements surnaturels renforcent ta grande dévotion aux saints-Auréus et Justin que tu honores en remerciements par l'édification d'une église à Heiligenstadt ! Ta piété permet, sans doute, de te racheter de tes frasques amoureuses et de communier ainsi avec le petit Jésus, potelé dans sa culotte de velours !

Ceux que ta vie intéresse iront lire la rocambolesque histoire en Gévaudan de la sépulture de ta sœur, vouée au Christ et de sa filleule, toutes deux prénommées Énimie. Comment ne pas être étonnés de cette incroyable légende relevant à la fois de la fantasmagorie et de l'exploit : double prodige d'une guérison miraculeuse de la lèpre qui s'était abattue sur la contrée et de l'anéantissement du Drac. Entendez par là, la mise à mort par la super-frangine de l'horrible bête du Gévaudan ! Rien que cela !... En ce temps-là, le monde tournait-il déjà à l'envers ?

Quelle famille ! Ô Dagobert, tu devais avoir la tête à l'envers ! Car ta recherche des dépouilles des deux Énimie et l'inversion des tombeaux en confondant les notions : dessus, dessous, endroit, envers prouvent s'il en était encore besoin que tu étais vraiment prédestiné aux embrouilles et aux revers. Rétrospectivement, on ne peut plus s'étonner qu'en t'habillant, tu confondais devant et derrière et en aimant, peut-être le recto et le verso ! Y avait-il en ce temps-là des sens interdits ?

Ceux qui étudieront les tensions et les trahisons qui ont jalonné ton pouvoir apprendront entre autres ta violente dispute avec le duc d'Aquitaine. Orgueilleux comme tu es, il n'est pas question pour toi de faire marche arrière devant lui et de laisser tomber un affront. Tu le ridiculises en lui faisant couper la barbe et battre avec des verges.

Mais tu entraînes alors, le courroux de ton père et ce n'est encore une fois, que grâce à l'intervention des saints et à ta promesse de les honorer, que tu parviendras à gagner ta réconciliation avec lui. Fort heureusement !... Il pourra ainsi te porter secours lors de la bataille contre les Saxons, au cours de laquelle, tu es blessé à la tête.

Tous ces faits d'armes teintés de merveilleux réjouissent les chroniqueurs qui peuvent donner encore plus d'éclat au récit familial de votre vaillance victorieuse finale. Certains de tes contemporains disaient alors que tu avais le front de t'opposer à l’adversité et vraiment un bon fond !...

Oh ! Sans doute, bien peu se souviennent aujourd'hui de la reconstruction en 630 de l'église de Saint-Denis, que tu décides en ex-voto de la protection que t'ont apportée les saints et qui deviendra pourtant la nécropole des rois de France.

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Lettre à Dagobert 2/4

Publié le par modimodi

 

 CONF 25  

Un roi ardent

Mon bon roi Dagobert, tu restes le dernier grand roi mérovingien, mais tu demeures hélas trop souvent méconnu ! Tes descendants d'ailleurs connaissent-ils ton œuvre ?

Tu as pourtant rendu en équité la justice aux pauvres comme aux riches. Loin d'être négligé ou relâché, tu as été un fin politique. Tu as su t'entourer de conseillers avisés comme Pépin de Landen, Harmaire et Saint-Arnoul. Sans trembler et droit dans tes chausses, tu n'as d'ailleurs pas hésité à les remplacer au gré des turbulences ou des opportunités par Didier de Cahors, gardien du sceau royal et par le Neustrien Dadon, futur Saint Ouen, sans oublier le précieux et populaire Eligius de Noyon ! Traduisez Éloi !

A ton endroit, je dois dire que tes décisions paraissent culottées pour l'époque. Qui sait que tu as réorganisé "l'administration et les institutions du royaume". Qui dira que pour lutter contre les manipulations monétaires, sur les conseils de ton ministre, l'ancien orfèvre Éloi, "le bon saint Éloi", tu fis battre monnaie d'or et que, bénéfice secondaire, tu pus vivre ainsi dans les fastes opulents de la cour.

Par contre, ta vie, nous a t-on rapporté, ne fut pas toujours des plus édifiantes. Tu répudies en 632 Gomatrude, l'épouse que t'avait donnée ton père à 15 ans pour épouser une simple fille de service, Nantilde. Disposition naturelle chez toi, tes sens sont tout retournés, ton cœur et ton corps mis à nu. Est-ce la première fois que tu baisses ta culotte et que tu prends ainsi goût à la fessée ? Car tu multiplies les concubines et prends d'autres épouses aux doux noms de Vulfégonde, Bertrude et Ragnetrude ! Tu es sans cesse tourneboulé, ardent et polygame.

Tu sais t'affirmer. Diplomate énergique, tu signes un traité de paix perpétuel avec l'empereur d'Orient, Héraclius. En grand chef de guerre, tu mets la déculottée à tes ennemis ! Tu guerroies en 627 contre les Saxons. Tu mènes la campagne d'Aquitaine pour détrôner en 632, Svintila, le roi Wisigoth. Tu soumets, non sans difficultés, les Bretons et les Slaves. En 636, ce sont les Vascons et en 637, les Gascons que tu poursuis au-delà des Pyrénées. Ce qu'aucun de tes prédécesseurs n'était parvenu à faire avant toi. Tu écartes ainsi la menace basque.

Tu fais de "Brest un centre de construction navale et un port de commerce, du Mans un nœud d'échanges entre la Bretagne et la Neustrie. Tu développes les manufactures de toiles de Vitré et de Locronan et les salines de Guérande et de Bourgneuf-en-Retz." Dans le domaine des arts et des lettres, tu développes l’orfèvrerie et la joaillerie, tu bâtis des églises et des monastères, tu ouvres des écoles épiscopales. En tout, tu sais de quoi, il retourne.

Après toi, viendront pour le peuple et les régions du royaume des troubles grandissants... Moi, je ne veux pas ici, ni te toucher à l'endroit sensible ni t'accabler mais préserver ta mémoire, la réhabiliter et te célébrer.

A côté de l'histoire et mêlées à elle, se sont propagées les légendes. Probablement que personne ne se souvient de tes exploits d'alors et de leurs conséquences miraculeuses et merveilleuses. Ils montrent pourtant chez toi des prédispositions pour le moins surprenantes. Tu sembles déjà doué pour les retournements de situation !...

 

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Lettre à Dagobert 1/4

Publié le par modimodi

CONF 24

Un roi de bon sens

Si je pouvais lui parler, comme j'aimerais lui exprimer ma vive sympathie !

Je lui dirais : Ô mon brave roi Dagobert, me voilà tout retourné de savoir qu'on te raille et que depuis la Révolution Française, ta chanson fascine autant le peuple et s'imprime aussi facilement dans la mémoire de nos enfants ! "Le bon roi Dagobert avait sa culotte à l'envers."

Moi-même, je peux t'en fredonner l'air ! Mais ne mélangeons pas l'Histoire et les époques, les faits et l'imagerie populaire. Je voudrais ici adresser cette lettre à tes descendants et te rendre un peu justice !

Ne brûlons pas les étapes ! Je vais simplement tenter de dépasser la légende qui a fait de toi, "un souverain fantoche, peu intéressé par les affaires de ton royaume et plutôt distrait et nigaud !" Tu as été mal jugé !

Si je renverse le grand sablier du temps, j'imagine la joie de ton père Clotaire II, dit le Roi de fer et de ta mère Bertrude-Gomatrude-Nanthilde, le jour béni de ta naissance, vers 602/605. La date n'est pas précise. L'état civil en ces temps-là, n'était pas aussi rigoureux ! Et puis quand on est roi, il suffit déjà de naître dans le bon sens !

Destin royal, en tout cas ! Dès 622, tu règnes sur la turbulente Austrasie réunissant un vaste territoire composé de l'est de la France et de l'est de la Belgique actuelle, augmenté des régions rhénanes. C'est en 629 que tu succèdes, selon la loi salique, à ton père comme roi de Bourgogne-Neustrie, roi des Francs, du Regnum Francorum. Tu fais donc partie du patrimoine de mon pays et de mes racines françaises. Je peux me reposer sous l'arbre généalogique où pour mieux te retrouver, je contemple les feuilles à l'envers !

Un roi doit gouverner. Tu montes donc sur le trône et tu y resteras jusqu'en 639.... Pardon, amis ! Même si la plaisanterie de mauvais goût est trop facile, j'ose espérer, ô Dagobert, que tu n'avais pas déjà mis ta culotte à l'envers !...

En tout cas, ton trône coulé en bronze du haut Moyen Âge et recouvert d'or est aujourd'hui conservé dans le trésor de Saint-Denis. Utilisé par les rois capétiens lorsqu'ils recevaient l'hommage des grands de leur royaume, il est resté célèbre et encore considéré comme un modèle design par les stylistes contemporains. 

Largement copié, il t'a survécu et demeure un fauteuil de forme curule et pliante dans les styles répertoriés du mobilier. On rapporte même que Napoléon, qui a toujours voulu asseoir son autorité, a cassé le tien en s'asseyant dessus lors de la distribution de l'Ordre de la Légion d'honneur, au camp de Boulogne en 1804.

Durant ton règne, ta tâche royale n'est pas aisée. Les aristocrates francs, maires du palais, sortes de premiers ministres du roi représentent déjà l'opposition. Ils te marquent à la culotte et composent la future et agissante famille Carolingienne. Désireuse de toujours plus d'autonomie, celle-ci accroît peu à peu sa richesse et son influence, au détriment de la paix civile que tu étais parvenu à instaurer dans un régime modéré grâce à l'équilibre des pouvoirs.

Malgré cette hostilité larvée qui veut en découdre avec toi, tu ne trembles pas dans ta culotte ni dans tes braies et tu sais protéger tes arrières. Tu parviens habilement à maintenir ton pouvoir royal sur une assise chrétienne mérovingienne, héritée de Mérovée et de Clovis. Gloire et vérité te soient donc rendues !

 

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Lettre de mise au point - Correspondance amoureuse

Publié le par modimodi

BAL CONF

Suis-je encore libre ?

Ma très chère, je prends la plume, je vous l'avoue, contraint, forcé et à vrai dire, contre ma volonté. Mais vous savez que je refuse ces contrariétés d'humeur comme ces chicanes de passage qui ne sont que de stériles déplaisirs entre vous et moi.

Vous m'avez, ma douce amie, demandé de vous écrire autre chose que les habituelles banalités amoureuses. Vous n'aimez pas les lieux communs ni les déclarations d'usage. Vous en avez assez de mes répétitifs je t'aime, jetés aux quatre vents par mon cœur girouette et ma petite tête en l'air !

Je proteste et tempête ! Pourquoi l'amour, le nôtre surtout, serait-il plus original qu'un autre ? Pourquoi le temps épargnerait-il sans les marchander, nos quatre saisons d'aimer ? N'est-ce pas, parce que votre vie est soumise à leur cycle, que vous avez parfois l'impression de tourner, comme la terre, sur vous-même et en rond ?

Oui ! Je peux satisfaire vos caprices, me précipiter comme l'averse soudaine et vous écrire sur le champ, en renversant l'encrier et en couchant les herbes folles et en bataille de mes déclarations échevelées ! En ce jour même, mon cœur peut vous donner des mots en bourgeons de printemps pour s'accorder à vos reproches déjà chargés des larmes rouges de l'automne. Je pense parvenir à vous faire regretter les trahisons des branches, lourdes et cassantes du gel de votre amertume. Je peux vous offrir les frissons de fleurs enivrées, d'une sève ciguë en leur calice. Car voyez-vous, ingrate, en nature comme en poésie d'amour, les vers sont dans le fruit !

Mais, à quoi bon, pour le réchauffer, couvrirai-je votre cœur frileux de mes plumes d'oie d'écrivain ? Pourquoi devrai-je accorder du renouveau à mes missives et mettre mes idées en semailles, puisque je suis sûr que, le moment venu, vous viderez mes mots comme des pommes, sans même penser à en boire l'eau-de-vie.

Oui ! A ma guise, je suis en capacité de tout vous donner, du meilleur de moi-même... Je sais que l'été, est votre saison d'aimer préférée ! Je peux vous promettre les beaux jours, le soleil levant, l'éther le plus pur et la mer immobile piquée de voiliers blancs. Je vous offre les fleurs, les fruits et la lumière.

Je peux chanter le sublime d'un instant somptueux, la pureté d'un trille, la beauté d'un panorama ouvert comme votre cœur sur le plein ciel. J'ai l'art de célébrer la transparence de l'air et ses vibrations, le charme intime de votre présence quand votre corps est en offrande et le don de versifier à loisir, des odes et des sonnets romantiques ou lyriques. Je peux vous écrire sur le sable des paroles de vent, à faire gonfler les dunes de votre cœur. Mais à quoi bon ? Et pourquoi tracerai-je nos initiales enlacées, si vous êtes l'écume qui emporte mes traces ?

Voyez-vous ? L'amour circonscrit ses signes de cœur, calque sur le hasard, les échéances de ses lignes de chance. Il projette même les ombres désertées des sentiments en fuite. Vous n'avez pas le pouvoir de délimiter en moi, comme en vous, l'immensité des possibles émotions. Vous ne sauriez borner nos intuitions, juguler nos sensations, freiner le cours de nos pensées ni programmer nos souvenirs. Nous ne pourrons jamais nous aimer contre notre volonté et nous émouvoir sur commande. Nous ne serons jamais rigoureusement semblables, sauf à faire semblant.

Je ne voudrais pas être soumis à votre exigeante influence et écrire sous la dictée, tous vos souhaits ou vos diktats. L'unicité de l'amour réside dans nos expressions singulières et nos élans pluriels. Aurions-nous même la possibilité d'être dans le même ton, nous ne serions pas pour autant, au diapason ! L'harmonie entre deux êtres n'est jamais préétablie. En amour, les coïncidences ne deviennent des correspondances de sentiments que lorsqu'elles sont en concordances d’émois et de frissons.

Les lignes tracées sur le papier sont éphémères et plus légères que les lignes musicales sur la portée du destin. L'encre finit un jour, par sécher dans l'encrier comme vos propres larmes, qui ont un jour fait pâlir les signes et les mots que nous avions échangés.

Pourquoi voudriez-vous, vous arroger le droit de prendre nos sentiments au pied de la lettre pour en faire d'abord une, puis de nouvelles correspondances amoureuses ? Pourquoi êtes-vous récalcitrante à la rapidité bien plus pratique des courriels et exigez-vous exclusivement des courriers ? Prenez-vous du plaisir à attendre et du moral à espérer ? Ô ma très chère, n'est pas Pénélope qui le veut.

Allez ! Je vous mets en garde ! N'allez pas prendre tous mes petits pas vers vous, à contre sens. N'égarez pas mes indices amoureux à contre-voie de votre cœur. Ne placez pas mes preuves éclatantes à contre-jour et mes rimes à contre-pied. Sur les tablettes de votre cœur, j'avais gravé des hiéroglyphes, j'avais enluminé et imprimé des incunables en préservant la marge et les marges, d'énigmes comme d'erreurs ! Vous ne deviez ni les effacer ni les égarer.

Avez-vous douté de leur authenticité et de leur persistance ? Hésiter, ce n'est pas tromper l'autre, c'est parfois se tromper par incrédulité. Sachez, ma confidente, mon amour de toujours, qu'il n'y a jamais d'écrits vains, si les tendres mots des aveux s'impriment définitivement en l'autre.

Si vous ne vous êtes pas dissipée, ni vous n'avez pas estompé vos primes émotions et grisé nos souvenirs, vous me possédez déjà. Mon cœur vous appartient dans nos confidences échangées et l'écho, même lointain de ma voix. Vous avez la possibilité de ressusciter, à loisir, mes fiévreux émois exprimés avec passion dans ces nombreuses correspondances parfumées et enrubannées. A condition, belle inconstante, que vous n'en n'ayez pas fait un feu de joies réduites en cendres !

Sans doute, avec le temps, estimez-vous que je me sois éloigné de vous. Il n'en est rien ! Sachez que je vous aime toujours à distance et à perte de vue ! Alors, en synchronie de nos deux cœurs, aimez-moi à votre tour, les yeux fermés. Oui ! Au fond de mes pensées obscurcies, cet amour m'avait aveuglé et j'aurais peut-être dû avec doigté, vous écrire en braille ! Parfois ressentir est plus utile que voir !

Malgré toutes les réticences que je vous ai exprimées doucement mais fermement, je suis contraint de constater que vous persistez encore dans votre requête ! Alors soit ! J'accepte de reprendre la plume.

Et comme nous en avions convenu : entre nous, il n'y aura pas de mièvrerie ou de sensiblerie à deux sous ! Vous espérez de moi que j'aie à nouveau du répondant. Alors soit ! Même si je demeure quand même, bien hésitant...

En effet, je ne pourrais que répéter en les copiant les déclarations de mes premiers élans. Je ne suis pas un copy cat, serial lover ! Les mots n'auront plus la même fraîcheur de l’innocente spontanéité. Je ne suis pas un tricheur de sentiments ni un expert en faux-semblants. Vous en êtes avertie et consciente, je l'espère !

Alors, ne vous attendez pas à trouver ici, sous ma plume, l'obole d'un billet doux et quelques galanteries d'aigrefin cavaleur. Quand l'amour est un faussaire, il faut rendre la monnaie, à ses cinq lettres de créance et ne pas trébucher pour y donner le change. Je vous fais donc crédit d'avance et je vous fais déjà contre mauvaise fortune, bon cœur !

Banco donc, si c'est pour vous plaire ! Je vais tâcher de me montrer inventif et succulent d'amour. Vous pourrez vous payer au magot de ma prose, au gousset de mes phrases et croquer de la galette aux amandes de mes mots. Goûtez donc à nouveau, l'amour comme une friandise !

Prenez mon cœur pour argent comptant et mes prochaines lettres comme un capital confiance, à placer et à conserver ! Qu'importe les aléas des futurs rendements épistolaires, c'est peut-être l'assurance-vie, voire survie de notre amour ! On ne sait jamais, peut-être, avez-vous raison et avons-nous intérêt, en cœurs et en corps, à nous épargner, l'un et l'autre !

Mais ne perdez pas mes missives adressées cette fois, en poste restante de votre cœur.

 

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Lettre d'un emprunté 2/2

Publié le par modimodi

 

BAL CONF

Seconde chance

T'en souviens-tu encore de notre bel été indien ? L'air était comme nous, aimable de douceur.

Mais j'étais foudroyé devant toi, ma vaillante et éblouissante squaw !  Par excès de pudeur et par fierté masculine, je me disais qu'il n'était pas question de perdre davantage ma face de visage pâle. Non ! Ne sachant pas sortir de ma réserve, je ne devais pas non plus te dévoiler mon seul côté sauvage, ma peau rouge d’hyper émotif ! 

Je m'étais cru un vaillant boutonneux sur le glorieux sentier de la guerre des amourettes adolescentes. Pourtant, je fus vite dépassé par l'appréhension et inapte à la moindre charge héroïque. J'étais cramoisi, bouche pincée, regard vague et lèvres mordues. Mes bras se tordaient, mes mains s'emmêlaient, ma tête dodelinait sur mes épaules affaissées.

J'étais un lierre chétif et accrocheur, à l'assaut de la haute muraille. Je bafouillais des sons, ébauchais quelques mots, je bredouillais des platitudes. Je ne pouvais me détacher ni me lâcher. Je restais planté devant toi, terne et sans expression, prêt à me défolier.

J'avais chaud, je suais sous ma veste. J'étais moite, perlant de bons sentiments, à l'image de ma tiédeur sentimentale. Mes verres de lunettes s'embuaient de ma transpiration, filtrant d'un voile ta lumineuse beauté. Je devais te paraître plus que timide et compassé, absolument ridicule et piteux.

J'étais maladroit, empêtré dans mes bonnes manières, empoté et emprunté. Toi, au contraire, tu rayonnais et irradiais devant moi comme dans l'espace de mon cœur. Tu t'épanouissais dans une fraîcheur impatiente, emplie de spontanéité et d'attentes ! Tu m'offrais ton naturel et ton aisance. J'étais troublé par ton mystère et interdit à ton contact, incapable de prendre ma chance et de recevoir ce simple et pur bonheur que ta jeune séduction m'offrait sans artifices.

Aucune audace ! J'ai frôlé peureusement ta main. Je n'ai pas su la prendre et la retenir. Tandis que tu imprimais en moi ta douceur, je t'effleurais de ma médiocre superficialité. Je te revois encore, tournicoter les doigts dans tes couettes et mâcher nerveusement ton chewing-gum. Devant cet emmanché, le temps a dû te paraître terriblement long !

Pauvre de moi ! Devant cette fulgurante révélation, prisonnier de mes émois, le trouble m'avait totalement envahi. Je n'ai pas su t'exprimer ma tendresse et mes désirs ni te formuler le moindre compliment sur ton élégance, ta splendeur et ses charmes. Oh oui ! Je me souviens parfaitement de ta distinction : ton jean rose et le charmant top blanc, ce foulard bleu-ciel noué sur le côté, flottant à ton cou en de furtives caresses et tes ballerines grises et fuchsia. Il flottait dans l'air comme un parfum, comme ton parfum... L'Heure Bleue de Guerlain !

Je n'ai même pas su soutenir ton regard tout aussi étonné qu'insistant, encore moins esquisser le moindre signe d'intérêt. J'ai préféré baisser la tête et me balancer d'un pied sur l'autre, sans oser faire le premier pas ! Un flamant rose au marécage !

Je n'ai pas su te faire rire par le moindre trait d'humour, même avec une mauvaise blague de potache ! J'avais peur d'être nul, je le fus ! Je te suis apparu ridicule et sans esprit. Qu'avais-je besoin d'évoquer cette plaisanterie vaseuse à la blague carambar !

Furtivement, j'ai cru ressentir ta déception. Allons, ne me dis pas que ton instinct n'a pas saisi mon émotion, l'affolement du regard, mon extrême inhibition et la tension qui se révélait entre nous. Pourquoi ai-je ainsi tout gâché en perdant mes quelques moyens ?

Mais pourquoi, n'as-tu pas réagi devant ma tétanie amoureuse et ne m'as-tu pas encouragé à vaincre ma timidité ? Pourquoi, quelques temps après, ne m'as-tu pas donné une seconde chance, accordé un nouveau tête-à-tête ? Pourquoi, tout à mon dépit et à mon échec, n'ai-je pas moi-même insisté et donné suite ?

L'amour dans sa tendre guerre est un parcours pour combattant. Je n'étais visiblement pas doué pour l'offensive. J'étais ma propre force de dissuasion, mon seul ennemi. Mais aujourd'hui, je te préviens, je me sens prêt pour la bataille ! J'ai acquis la confiance qui va de paire avec l'expérience. Je suis debout, ferme dans mes intentions et résolu dans mes convictions. Me voilà, vaillant de déterminations, prêt pour la tendre guerre où il n'y aura pas de vaincus. J'ose enfin, je viens à ta rencontre ! Je suis léger comme la flèche qui te va droit au cœur.

Un torrent d'émotions me submerge encore un peu mais je me sens d'attaque pour affronter le choc de te revoir. Oh oui ! Bouleverse-moi !... Renverse-moi ! ...C'est décidé ! Je sors de l'enclos du renoncement et mets fin à l'exil. Je suis prêt à passer autant de temps et même plus que je n'en ai perdu.

Je frémis d'un lent vertige sensuel. Sans la moindre frustration envahissante, je vibre déjà d'agréables sensations dans l'intuition de jouissances promises. Je rêve de notre étreinte dans la légèreté du corps et l'extase de la chair. Avec une effervescente vigueur et dans une délicieuse fraîcheur, je vais t'offrir la pleine fleur de mon âge.

Je ne suis plus ce cœur ruiné, vidé d'espoir, rempli de manques. Je ne suis plus un emprunté. J'ai retrouvé de l'intérêt à aimer. Il ne tient qu'à toi de m'accorder crédit pour partager un projet d'avenir.

Ouvre vite ma lettre. Moi, je t'ouvre mon cœur hublot, sur la ligne de partage des eaux de nos amours adolescentes.

 

 

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Lettre d'un emprunté 1/2

Publié le par modimodi

BAL CONF

Le timide au bouquet

A toi, ma lointaine, mon espérée et jamais oubliée, j'adresse ce discret bouquet de pensées entre les feuillets de ma lettre.

Dans ce demi-jour d'hiver crachin, je viens de feuilleter lentement l'album joyeux de ma jeunesse adolescente. Des silhouettes, des paysages, des décors, des ombres en groupes, des photos de nous et de nos camarades fluent et refluent par vagues mélancoliques à la mémoire de mon cœur qui se balance au large de la nostalgie.

Je nous revois au soleil insouciant de l'amitié, dans de bruyants éclats de rire jubilatoires, au milieu de nos jeux, de nos singeries, de nos acrobaties, dans les temps de défis et d'allégresse de notre adolescence. Toutes nos images de plaisirs resurgissent instantanément, en gerbes fraîches de gouttelettes jaillissantes et irisées dans l'arc-en-ciel de mes souvenirs.

Un kaléidoscope projette des flashes et imprime en moi des lieux, des visages, des prénoms, comme autant de fleurs épanouies au printemps de notre âge. Des instants éclatent sans bruit, des éclairs d'un bonheur trop vite enfui sont aussitôt ressuscités comme par magie. Des initiales aux cœurs entrecroisés demeurent incrustées dans l'écorce de l'arbre de ma vie.

Aujourd'hui, la morosité est en pause. Dans ce temps capturé et serein, les regrets ne sont pas de mise. Au contraire, je perçois nettement ta présence. Sa trace est intacte et préservée au milieu de la douce anarchie de mes pensées. J'ai même conservé les plus agréables, parmi mille et un de tes sillages. Je suis comme Guillevic, le poète : "Il suffit de tremper les pieds dans le ruisseau pour être regardé par le soleil." Tu m'éclabousses de ta lumière.

Simplement, sans que je le provoque, tu t'en viens battre avec insistance à la porte de mon cœur. Tu en seras certainement surprise... Après toutes ces années, oui ! Je pense encore à toi ! Comme c'est bête et inattendu !... Pourquoi maintenant ? Pourquoi surgir comme le mot, du terreau du poème et faire irruption en moi, dans cet afflux d'évocations ? Je suis comme Lamartine : "Non, tu n'as pas quitté mes yeux. " Mais pourquoi remonterions-nous le cours du temps perdu ? Pourquoi ce besoin subit de me confier à toi, de te parler dans l'ombre, toi qui es ma clarté ?

La sagesse me suggère qu'il n'est peut-être, jamais trop tard pour bien faire ce que l'on n'espérait plus ! D'ailleurs, je ne sais pas pourquoi mais depuis toutes ces années, j'ai gardé ton adresse. Sans doute, pas par hasard mais par un signe capricieux et tenace du destin qui nous guide par la main !...

J'ai donc eu envie de t'envoyer enfin, la lettre que je voulais t'écrire, il y a quelques années... Bien sûr, le temps a passé et jaunit le papier. Nous voilà pâlis et dispersés par les flots du temps qui ont emporté et ballotté nos émois et nos élans dans les bouteilles lancées à la mer !

Je ne cherche d'ailleurs aucune excuse. Je n'ai rien à me faire pardonner. Je te devais simplement cette sincérité avec des mots qui m'ont alors, cruellement manqué mais qui restent gravés dans le marbre coloré de mes primes émotions.

Je me souviens. C'était, t'en souviens-tu aussi, à notre premier rendez-vous ? J'avais mis tous les atouts de mon côté : pantalon de velours milleraies, veste de bonne coupe cintrée, un peu trop peut-être, un déluge de parfum d'eau de Cologne, sur mes trois poils de barbe et de moustaches naissants. Oh ! Beaucoup trop assurément !

J'étais, il est vrai, un jeunot réservé, mal dans sa peau boutonneuse. Je n'avais aucune expérience amoureuse. J'étais un tendre gringalet, vert de sève tentant de paraître sec et noueux comme un sarment de vigne des vendanges de la vie et de l'amour. Je me tortillais comme un liseron dégingandé, poussé trop vite entre deux pierres de mon chemin d'enfance. J'étais tremblant sur mes deux jambes mal bâties, comme une cabane en kit, posée sur pilotis.

Timide, rougissant, mon cœur s'est emballé. J'hésitais à te regarder, encore plus à te parler. Je n'ai su t'offrir qu'une pâle et dérisoire risette. J'étais crispé, gêné et regrettait de ne pas être à la place du bouquet de pensées et de violettes que je te tendais. Empressé, impressionné, j'ai bégayé, à peine audible un : "Bonjour, ça va, toi ? Tiens, c'est pour toi !" Je t'ai souri bêtement, niais, timide, à fleur de peau !

J'avais tant espéré, attendu ce moment, et là, à cet instant, j'aurais tant voulu être ailleurs ! J'étais gauche, quasi-paralysé de trouille. Pourtant, je croyais m'être psychologiquement bien préparé à notre rencontre. J'avais interrogé mon entourage et parcouru les rubriques de conseils aux débutants : Comment maîtriser sa peur et avoir assurance et prestance pour être remarquable et inoubliable dès les premiers contacts.

C'était au siècle dernier... Nous ignorions les s.m.s. et ce que les progrès techniques allaient faciliter pour la communication et les échanges.

Nous étions en octobre, il faisait doux, presque chaud, c'était l'été indien...

 

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Train de vie ! Lettre à mon estivante !

Publié le par modimodi

 CONF 28

Ma douce, mon estivante ! Tu as pris le petit train touristique : les plages, la vieille ville, le port, la mer ! Tes yeux ont la flamme du soleil, tu es harmonie et lumière dans l'azur brûlant de la Riviera. Le temps est suspendu aux battements de ton cœur.

C'est l'été, tu te reposes pour reprendre des forces. Jouis, ma tendre amie, de la douceur méditerranéenne. Ô mon héliotrope, fais le plein de plein ciel, de clair bonheur et de douce énergie ! Sois à jamais ce ruban bleu ciel accroché à l'écharpe des nuages qui voilent parfois mon cœur, dans la saison d'hiver.

Depuis tant d'années, nos routes se sont croisées et nous nous sommes accordés. Je t'ai déjà célébrée et je t'exhorte encore. Toi, qui marches à mes côtés, à pas comptés ou à marche forcée, pèlerin de la vie, ma compagne de route, tiens bon le rythme et la cadence !

Il n'y a qu'une semaine que tu es partie. Tu ne reviendras qu'à la fin du mois et tu me manques. J'ai hâte de te serrer dans mes bras sur ce quai de gare qui patiente de désirs chauffés à blanc.

Nous n'avons pas souvent l'occasion de nous écrire. Je profite que tu sois, ces quelques jours loin de moi à profiter de vacances bien méritées pour me livrer et t'exprimer mon amour. Je ne connais pas suffisamment ton passé, aussi je l'imagine ! Je sais seulement que ta personnalité compose notre bonheur et donne une importance essentielle à ta présence à mes côtés.

Tu es une météorite tombée du ciel de lit de tes parents aimants, un grain de sable d'éternité, un tout petit caillou roulant sur le chemin de l'existence. Par tes confidences chuchotées sur l'oreiller, j'en mesure la richesse...

Ta famille t'a ouvert la voie, celle de maman était lactée. L'école t'a fait faire tes classes et la vie, dans les efforts et la tendresse, t'a donné des leçons et des devoirs familiaux ... Sur la voie, très tôt, tu étais ferrée ! Mais l'important du circuit ferroviaire, c'est toujours le bon aiguillage ! Tu as eu cette chance ! A la croisée des rails, au carrefour, de tes expériences sociales ou amoureuses, c'est plein d'entrain et d'espérances que tu as cherché ta destination. Ta route est ainsi faite de destins aux rails parallèles... Par la vitre du compartiment panoramique, tes rêves filent encore vers la lumière et les étoiles.

Descendue du marchepied, tu n'as pas cherché le sentier de la gloire mais arpenté les allées de la réussite. Le cœur léger, tu as pris le chemin des amours printanières, au vert tendre des noisetiers. Tu as suivi, entre deux mirages, la piste des caravanes au milieu d'aventuriers nomades comme toi et couru à perdre haleine, le marathon des jours. Tu t'es tracé un itinéraire, souvent sans carte ni boussole, en évitant, perte de trajectoire et sortie de route, voie sans issue, voie de garage ou déraillement. 

Je t'imagine fort bien comme tu étais hier : active et entreprenante, moderne, curieuse et ouverte à ton environnement ! D'ailleurs, à l'époque, je suis certain qu'il n'y a pas de train-train dans ton existence ! Dans l'agitation de ton esprit, tu ne connais pas la routine. L'actualité te file le train : autoroute encombrée de l'information, T.G.V. du quotidien, activités sans arrêt, ni salle d'attente. Chaque étape de ta vie, chaque station est un passage à niveau.

Comme tes semblables, tu as été poussée à monter dans le train de la mode, aux wagons de pubs pour citadins et de réclames pour banlieusards, aux rames bourrées d'indispensables futilités. Mais tu leur as laissé, j'en suis sûr, cette course au paraître !  Tu en as perçu les risques et périls dans ses fallacieux et périlleux aspects : tantôt sur un circuit de formule 1, dans une dangereuse compétition au chrono ou tantôt comme une course au standing, en première classe exigée, en mode express, dans le train de luxe de la vie...

Mais tu es prudente et plus avisée que moi et c'est sans manière, qu'aujourd'hui, tous les deux, nous savons qu'un jour, au dernier cri, nous serons passés de mode. Car si un train peut en cacher un autre, le train de la vie cache hélas, le dernier convoi qu'on ne voit pas arriver à train d'enfer et qui nous débarque, au terminus, sans crier gare !

Qu'importe cette menace et cette angoisse existentielle ! Nous cherchons tous deux, le bonheur et l'amour et nous désirons, sans repos ni répit, leurs bons de transports. C'est pour cela que toi et moi impatientons, sans nous soucier, sur le quai des anonymes, plein à craquer, avec un billet, aller simple.

Course contre la montre du temps, tyrannie des horaires ! Jour après jour, voyageurs sans bagages, nous prenons l'omnibus. Nous empruntons le train de vie, le train de notre vie, dans la lumière des sémaphores qui balisent notre parcours et les cloches électriques qui nous tiennent en éveil. Nous roulons vers notre destin, le malheur est à la consigne ! En voiture, la vie et l'amour ! Amour, reviens-moi, plein d'entrain !"

 

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Lettre d'un philosophe à sa libre amie : Liberté, chérie ! 5

Publié le par modimodi

 CONF  33 

Entends-tu chérie, je ne renoncerai jamais à ma liberté chérie !

Pour vivre en affranchis, la liberté exige délibérément de nous, de faire des vrais choix et de donner de la valeur, aux différentes possibilités. Nous posons ainsi des actes responsables que nous pouvons justifier.

Notre liberté est toujours l'expression de notre volonté et l'affirmation de nos principes, en fonction de nos désirs que nous avons, comme Spinoza, jugés raisonnables.

Mon cœur, notre liberté ne se confond pas avec le détachement et l'indifférence. Non, la vigilance tenace et la lutte constante contre le laisser-aller ou la facilité sont indispensables. Mais heureusement, ô ma coupe de délices, que nous pouvons intimement goûter au repos, et qu'il est doux alors, en toute facilité de nous laisser aller, éperdument, l'un contre l'autre !

Mais être libres, ce n'est pas être exempts de contraintes et exemptés d'efforts. La dispense n'est un avantage que pour ceux dont la vie est une charge, pour ceux qui cherchent à secouer leur joug comme à se défausser des complications inhérentes à leur existence. Défendre la liberté, sa liberté, c'est défendre franchement l'émancipation de l'individu, parfois contre lui-même, quand il est en chute libre.

Toi et moi, nous essayons d'abord de nous changer avant de changer le monde. Notre amour est une force indestructible qui nous a emportés dans l'infini de la liberté d'aimer. Pour nous et notre prochain, nous n'avons jamais laissé le champ libre à l'indifférence, à la permissivité et au laxisme ! Nous ne subissons pas, nous agissons.

Nous sommes restés libres de manœuvres mais pas de manières, libres de propos mais sans outrances hardies, privautés ou familiarités. Nous nous sommes contraints à être relax mais pas relâchés, souvent anticonformistes mais pas anarchistes. Nous n'avons pas pris de libertés avec les autres, la décence, la morale, le droit et l'ordre public. Nous sommes restés libres sans prendre de libertés !

Mais, l'ai-je perdue, cette chère liberté, quand ayant perdu la tête, je t'ai donné mon cœur ? Non bien sûr, car érigée en principe absolu, ma liberté est devenue une liberté inaliénable, comme pour les révolutionnaires de 1789 ! Même si je t'adore, je n'ai pas fait de toi, un être Suprême, afin de garder ma liberté de culte et de dévotion.

Toi, ma princesse, ma reine souveraine, il n'est nullement question de laisser entraver ma liberté, par ton pouvoir royal absolu ! De même, il ne saurait être, non plus question, selon le principe de citoyenneté et de la Déclaration des droits de l'homme d'empiéter sur la liberté d'autrui et de lui nuire. Ma ci-devant, ma délicieuse et charnelle sans-culotte, la contrainte sociétale et conjugale fait partie, du cadre et des limites de notre liberté individuelle. Notre amour n'est pas possessif !

Nous ne sommes pas en guerre, seulement en tendre guerre, aucune sécession et nulle amnistie n'est nécessaire ! Je n'appelle pas à la libération et je n'espère pas le défilé des libérateurs ! Ton amour m'a enrôlé mais je n'aspire pas à être libérable ou démobilisé ! Ton cœur est une prison dorée, je n'y suis pas otage et je ne demande pas à être délivré. J'ai tout loisir, à ma guise, d'y savourer la liberté d'aimer.

Pas de liberté à reprendre ! Jamais tu n'as pris trop de place, rien n'est à débarrasser ni à désencombrer. Pas de liens à rompre car en toi, rien n'est liberticide, nous nous sommes laissés libres ! Chacun a eu l'autonomie et les mains libres et ainsi toute facilité et faculté d'agir, sans devoir obtenir d'autorisations de l'autre. Fou d'amour, mais pas aliéné et obligé de sacrifier sa liberté ! Chacun a conservé sa liberté de jugement et respecté avec tolérance, les opinions de l'autre. Paradoxalement, c'est librement que nous nous appartenons.

Si, "Dieu est mort !", comme le dit Zarathoustra, le porte-parole de Nietzsche, le dieu de l'amour chez nous n'est pas mort, nous lui gardons un profond sentiment religieux. Penseurs libres, nous ne sommes pas ses libres penseurs, athées ou agnostiques. Nous n'avons pas à libérer ou soulager notre conscience. Nous sommes à cœurs ouverts, toujours en entrée libre et libres de plein gré !

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Lettre à distance : ultime intervalle ! 3/3

Publié le par modimodi

CDC 70

"Tu me manques", m'as-tu dit ! Et souvent même, tu t'es montrée pressante.

Ma douce amie, tu dois savoir qu'il faut des intermèdes dans une relation de couple et que le désir d'amour se régénère pendant l'entre-actes ! Dans ces moments forts, il ne s'agit pas de manques mais de surabondance de plaisirs et de débordement de jouissances. La plénitude a besoin de transitions pour se ressourcer et subsister.

L'immédiateté ne fait pas durer l'amour à travers le temps. Entre la satisfaction et le désir, il y a parfois loin de la coupe aux lèvres. Alors loin de moi l'idée, mon amie, qu'une tendre relation peut survivre si on ne s'y attache que de loin. Il faut de la complicité et de la proximité mais paradoxalement aussi de l'audace pour expérimenter, jusqu'où aller ou ne pas aller trop loin.

La gestion de l'intervalle entre deux êtres suppose de la fermeté dans le sentiment qu'on éprouve. Elle requiert aussi de la chance pour ne pas être en porte-à-faux et en décalage d'attentes et de désirs... Il ne suffit pas de se rejoindre en ses pensées ou en ses rêves.

Notre environnement fait lui-même, parfois le grand écart. La pensée se distend et le bon goût se relâche quand un apôtre du mal-dire affirme que le sens de l'humour et du doigté sont nécessaires à qui est assis, le cul entre deux chaises !... Hélas ! Il n'y a pas d'intervalle dans la bêtise !

A moins de mépriser l'autre, il n'est permis à personne de devenir hautain et lointain. Mais comme le voyageur en avançant croit voir reculer l'horizon, la passion qui nous anime repousse sans cesse nos limites. Non ! L'intervalle entre deux êtres n'est pas un piège dans lequel, on tombe comme dans un cul de basse fosse ! L'autre bien qu'absent est toujours présent au plus profond de notre moi secret ! Aimer c'est prendre sur soi, avec soi et en soi ! Aragon l'a chanté :

« Mon bel amour, mon cher amour, ma déchirure

 Je te porte dans moi comme un oiseau blessé

Et ceux-là, sans savoir, nous regardent passer

Répétant après moi, les mots que j'ai tressés

Et qui pour tes grands yeux, tout aussitôt, moururent.   

Il n'y a pas d'amour heureux. »             

Tâchons l'un et l'autre de faire mentir le poète ! Le manque n'est un risque que pour les défaillants, ceux qui se renient eux-mêmes en manquant à leur parole intime. Qui se dédit se trahit lui-même ! Les fugueurs des amours buissonnières se volatilisent comme leurs serments de sable gonflés par les tourbillons du vent. Le mot "lâche" porte en lui cette richesse sémantique du pusillanime faible, du traître méprisable et du capitulard qui a desserré le nœud de sa promesse.

Même dans les intervalles d'une relation, il faut se tenir de près, à ses convictions. Tu as raison. Y mettre trop de distance, c'est s'exposer à être soi-même distancié, à errer entre deux souvenirs, à s'égarer entre deux engagements. L'homme n'est fait ni pour l'esquive ni pour le renoncement mais pour l'affrontement avec l'avenir. Il doit d'ailleurs y laisser sa vie. Alors moi, je ne passe pas, je demeure. Tu es en sûreté avec moi, près ou loin de moi.

Toi et moi, nous ne sommes ni ne serons jamais divisés. Nous nous tenons dans l'unité du temps, la poésie, la beauté et le vent. Tu es la fleur qui se donne au fruit. Moi, j'habite à jamais ton mystère, l'espace secret de ta solitude et je cours heureux comme un enfant, vers la source de ton regard intérieur. Nous ne sommes qu'une trace, un sillage dans l'azur, la preuve du risque d'aimer.

Oh ! Amie, je sais que tu sais, qu'il nous faut rester encordés et ne pas distendre le fil du vivant. Sur notre chemin de vie, il vaut mieux aller et progresser sans se retourner. Je veux à jamais chanter et murmurer en toi. L'amour dans notre intervalle aura toujours le dernier mot... Mais un jour, j'espère lointain, il faudra provisoirement se séparer. La mort comblera définitivement l'intervalle d'avec la vie !...

Ce jour-là, dans le bruit des cymbales sonores du destin, retentira le "dies irae, dies illa". Alors, porté par les anges qui nous ont escortés, viendra se poser à jamais en ton cœur, cet oracle des mots de René Char : "Ne te courbe que pour aimer. Si tu meurs, tu aimes encore."

 

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