Lettre d'un philosophe à sa libre amie : Liberté, chérie ! 3
CONF 31 Entends-tu chérie, je ne renoncerai jamais à ma liberté chérie !
Heureusement ma fidèle compagne que ma liberté est une liberté éclairée de tout ton éclat ! Tu justifies l'acharnement vital que j'ai à la défendre. Même si je devais y laisser mon libre arbitre, je ne saurais y renoncer, parce qu'elle est, toi et toute entière en toi !
Tu es mon but et ma volonté, ma raison d'exister et la juste cause de ma liberté, à laquelle je me suis donné et même abandonné.
Si c'est mon châtiment, il n'en est de plus doux ! "Ma vie est à partir de toi !", pouvait dire Aragon à Elsa ! Toi, tu es la source de ma liberté, elle s'origine de toi. Je suis passionné, mais pas passionnel, exalté d'amour mais pas borné jusqu'à l'entêtement de mes sentiments. Je n'ai jamais été fanatique ou sectaire en amour !
J'ai toujours eu du mal à être un existentialiste dogmatique et à tout ramener au présent. Si l'amour s'est incarné en toi, l'essence de l'amour précède ton existence et si tu es l'amour de ma vie, tu es l'essence de ma liberté. J'ai accepté ce don de toi, il m'est existentiel. Nous avons aussi, délibérément accepté ensemble ce don d'amour, car il nous est essentiel.
Tu connais, ma passion véritable pour toi et à l'inverse nettement moins, mon engouement pour J P. Sartre. Selon lui, l'Homme condamné à être libre ne peut s'accomplir que par lui-même !
Car c'est vitalement, sa propre liberté créatrice et sans limite, qui fait la synthèse en lui, pour lui dire de faire et d'agir, en l'engageant dans l'action utile, l'effort, la lutte ou le combat. Il devient ainsi libre par lui-même et autonome ! Plus il est confronté aux difficultés et aux obstacles, aux crises majeures, à la restriction ou à l'absence de liberté, plus dans ces circonstances, en décidant d'agir, il devient libre. Car ses propres engagements, ses actes le libèrent. Gloire à l'action des résistants en temps de guerre. Là est la liberté des héros magnifiée jusque dans le sacrifice !
Heureusement, toi et moi, nous nous ingénions avec enthousiasme, à inventer l'amour, non pas dans la chicane ou les contrariétés mais dans un équilibre paisible. Nous pouvons admettre que nous sommes condamnés à la liberté, si celle-ci ne se réalise que dans l'action. En effet, nous œuvrons à l'accomplissement de notre union. Dans l'expression de notre moi tout entier, nous sommes toujours libres d'agir, de réfléchir et même de méditer.
Oui ! Nous sommes d'accord pour dire que la liberté d'aimer, c'est d'aimer. Nous nous aimons librement, en toute liberté ! Comme le poème fait le poète, l'objet fait le sujet, il en est sa libre expression. L'amour nous rend amoureux et amants, nous devenons des êtres libres en nous le prouvant en aveux et caresses.
Voici ce qui constitue le principe existentiel que nous vivons pleinement et dans lequel, la liberté nous rend responsables de l'autre et nous oblige chacun l'un envers l'autre.
Ma grande et fusionnelle amie, nous aimons cette liberté mais sans complexifier nos situations communes. Nul besoin d'éprouver notre liberté en favorisant les difficultés de la vie. Entre nous, pas d'embrouillements ni de tels raisonnements alambiqués, quand nous nous emmêlons, c'est librement et par amour. Nous acceptons l'inéluctable terme de la vie et la mort qui nous attend. Notre liberté, c'est de vivre pleinement chaque instant et d'agir afin de nous prouver l'un à l'autre, jusqu'à la fin, la douceur et les joies de notre amour.
Bien sûr, dans cette société, au sein de laquelle nous vivons, le contrat moral d'assurance réciproque, la convention juridique, le pacte social ou les promesses interindividuelles affirment la liberté de chacun et garantissent la prise de conscience de ses actes citoyens. Ainsi, toi pour moi et réciproquement, nos vœux et serments échangés ont-ils ce sens et cette valeur ! Nonobstant l'exaltation de la passion et l'aveuglement d'amour !...
Comme le disait ce cher Saint-Augustin : "Aime, et fais ce que tu veux !" Voilà, la responsabilité de chaque homme ! Voilà sa liberté, même si sa foi l'a méchamment condamné au péché originel ! Mais par bonheur, nous avons réussi à distinguer, toi et moi, âme et corps. Nous nous délectons du péché de chair, en nous donnant corps et âmes ! Vive l'amour, en toute liberté mystique !
Ainsi, nous sommes-nous engagés, sur le même chemin d'affection et de tendresse. Ainsi, nous donnons-nous, jour après jour, aimants et amants, l'un à l'autre, dans la liberté des plaisirs. Je ne crois pas que le mot libido s'apparente au mot liberté mais nous les avons faits synonymes.
Quand nous prenons langue, notre seule référence linguistique, c'est l'amour dans toute sa liberté d'expression. Nous sommes de généreux et convaincus artisans de ses arts libéraux. Nous sommes adeptes d'un régime de libéralités, toujours non imposables mais librement consenties. Sans nous économiser, l'amour est notre système, je suis largement libéral et tu es ultra libérale, jusqu'à l'extase !
Notre volonté, nos sentiments, nos croyances, nos valeurs et nos pulsions font partie de nous et nous rendent singuliers, irréductibles à aucun autre. Toi, qui es désintéressée, mon ardente, à moi offerte, tu sais que la loi garantit l'égalité des droits, devant la justice et la liberté pour tous les citoyens.
Nous sommes donc prévenus, nous ne pourrons jamais, ni toi ni moi, nous acquitter du devoir de liberté, car aux droits positifs ou naturels correspondent fondamentalement les mêmes devoirs. Kant nous a convaincus que pour être libres, il faut savoir se donner ses propres lois et affirmer ainsi son autonomie. Autonomes, mon cœur, nous le sommes mais pas autonomistes ou indépendants !
Notre volonté porte sur ses épaules notre liberté, elle n'est donc pas une possibilité mais une exigence ! C'est à ce prix et de notre propre initiative, que nous demeurons libres comme l'air ! Que notre amour nous donne à jamais des ailes et du zèle pour rayonner dans l'univers !
Pour le reste, amour, nous sommes libres de croire ou de ne pas croire, mais nos émotions, notre capital psychique, comme notre constitution physique nous rendent uniques, en tant qu'êtres de chair, d'esprit et de cœur.
Bien sûr, notre amour est immense comme le monde des possibles, dans lequel peut s'exprimer la liberté, sous toutes ses formes. Dans la galaxie des informations contradictoires, les doutes aiguisent notre conscience et orientent nos intentions et nos choix d'action. Ainsi sommes-nous aussi des existentialistes, car en les assumant, tout en étant nous-mêmes, nous affirmons notre liberté. De là, à imaginer que nos faits et gestes sont les reçus libératoires de notre existence, elle-même en libre-service, il y a un grand pas à franchir !
La Boétie nous a dit que pour avoir la liberté, il suffit de la désirer. Mais, choisir de vivre libres ne nous donne pas pour autant toutes les libertés. Tout n'est pas permis ni possible, selon la morale ! Liberté n'est pas désinvolture et relâchement. Affirmer notre liberté et la spontanéité de nos exaltations amoureuses, n'est pas une raison pour tomber dans une libéralisation effrénée de nos mœurs et devenir des libertins !
Tu es mon exclusive ! Pas de libertinage donc, la seule débauche, c'est celle de notre énergie pour demeurer librement, par choix et en toute confiance, fidèles à nos principes et unis par le cœur ! Nul besoin d'être hyper-protectionnistes comme de nous adonner en libres échangistes, à toutes sortes de libres échanges ! Si chacun peut toujours vouloir conserver sa liberté d'association, il ne doit nullement être séparatiste, mais plutôt demeurer, presque jalousement attaché, l'un à l'autre. L'amour désintéressé n'est pas abandonnique comme la liberté n'est pas une passade pour duettistes !