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Amour en cage

Publié le par modimodi

FA ou EMI

Si les tourments dans les nuages

S'emportent et laissent leur sillage,

Si les mots imprécis voyagent

Dans les laisses bleues du langage,

Je renonce au vagabondage,

Je dépose armes et bagages,

Et fais un arrêt sur images.

Mots et cris d'amour à l'étiage,

Nos doux cœurs sont à l'échouage.

 

Retour au bel apprentissage,

Je t'offre un tout nouveau codage

Pour notre amour devenu trop sage.

Fini le temps des commérages,

Voilà le temps des babillages,

Des émois et des bafouillages.

Adonnons-nous aux papotages,

Aux serments et au badinage,

Retrouvons nos enfantillages !

 

Remue méninges, remue ménage,

Pleins, déliés et jambages,

Nos bouches font les décryptages,

Nos corps tressent leur cordage,

Et se lovent à leur ancrage.

Sur le nouveau livre d'images,

L'amour s'écrit à pleines pages.

La tourterelle sort de sa cage

Et ramage dans notre feuillage.

 

 

 

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Set amoureux

Publié le par modimodi

 FA

Lui : - "Tu vois bien que je me fais vieux,

Que j'ai grande peine à faire le jeu !

Cent quarante sets à nous deux,

C'est bientôt le match des adieux !

Nous sommes toi et moi moins fougueux,

Et j'ai les deux genoux khâgneux !

 

Souviens-toi, avant l'couvre-feu

De nos disputes d'amoureux !

Nous échangions, à qui mieux mieux,

Dans des échanges souvent nerveux,

Des revers liftés et fougueux

Pendant d'interminables jeux !"

 

Elle - "Je n'en pouvais plus d’tes manières !

Tu t'enroulais comme une fougère,

T'agrippais à moi comme un lierre,

Tu m'étouffais, je manquais d'air.

Voulais-tu m'conduire au cimetière

Ou me faire vivre, les fesses en l'air ?

 

Lui - "Toi, tu m'as comblé d'mignardises !

Tu m'as dit : J'suis ta friandise,

Ta sucrerie, ta gourmandise.

Mais l'amour en moi cristallise

Avec toi, il caramélise

Et mon diabète se précise !"

 

Elle -"Toi, t’as fait d'moi ton ordinaire !

Tu as la passion carnassière,

Tu m'dévores comme une panthère.

Je fais finir en un éclair,

Comme une bouchée élémentaire

Pour sûr ! En chair alimentaire !"

 

 Lui -"Toi, t'as fait de moi ta régalade !

Tu m'as pris pour une pintade,

Mais j'veux éviter la grillade.

Tu as préparé la salade,

Arrête de m'passer la muscade,

J' veux pas finir en persillade !"

 

Elle - " J’veux d'l'amour, amor à mort,

Que tu m'aimes comme un picador

Sois mon vaillant toréador !

Accours me transpercer le corps

Viens conquérir ma toison d'or

Mais épargne moi-la mise à mort."

 

Lui - "Le moindre désir t'aiguillonne.

Tu me chevauches en amazone,

Tu m'ép'ronnes, tu me désarçonnes.

J'voudrais tenir jusqu'à l'automne,

Oh ! J'ai le palpitant qui déconne.

Bientôt, y'aura plus personne !"

 

Lui - "C'était notre dernier test-match !

Entends l'alarme de l'Apple Watch !

J'ai le genou qui a fait scratch,

Je me suis vautré dans un splatch,

Au tapis ! Fin du combat d'catch !

Fin de partie, jeu, set et match !"

 

 

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Tourner en rond

Publié le par modimodi

 LEV   Ah ! Pauvre de moi, farfelu scribouillard ! C'est un risque que je redoutais depuis longtemps ! J'en ai maintenant constamment la tête qui tourne de toutes ces tournures dans tant de phrases accumulées et tant de rabâchages pour de simples événements narrés à longueur de mes écrits.

Ce matin, v'là que ma caboche fait la toupie comme une danse de derviche tourneur ! Les lettres se mettent à virevolter et à tourbillonner, emportées sur un manège étourdissant et infernal. Elles s'assemblent en des sons criards et me percent les tympans. Les paragraphes s'agitent. Ils font le grand carrousel en se dispersant. J'en tourne de l’œil à tenter de les réassembler.

La réalité m'échappe. Je m'affole de l'accélération des sensations vertigineuses et suis grisé par leur vitesse devenue incontrôlable. Mes yeux vont en tout sens, ma vison se trouble. Je secoue la tête, elle se vide en me laissant une lancinante céphalée.

Je tangue et chaloupe subitement, comme un marin sur le pont par temps de mer déchaînée. Le plateau de mon bureau est ma dernière planche de salut. Je m'y agrippe. Tout tourne autour de moi. J'ai l'impression de pivoter et de vaciller sur place, sans parvenir à conserver mon équilibre ni à maintenir une perception stable de mon environnement.

J'ai beau m'efforcer de les fixer, les mots et les idées s'envolent, se dispersent et perdent leur compréhension. Je perçois mieux pourquoi certains critiques osent me qualifier de barbouilleur de pages, de vieille plume ébouriffée d'oiseau  "sans queue ni tête". Oh ! Mais j'aimerais bien les voir à ma place, en cet instant où victime du malaise de l'écrivaillon, rien ne tourne plus rond. Je perds la tête. Ma raison est en tête à queue avec le réel.

Certes, ce n'est pas la première fois que la tête me tourne et que je m'abandonne ainsi au vertige de la page blanche comme parfois mais trop rarement, à l'excitation de la trouvaille inattendue... Jamais au point de perdre la compréhension de ce qui m'arrive.

Je me suis souvent moqué de moi-même comme des expressions familières et alambiquées de mes confrères. Dites-moi ! Pourquoi écrire que telle situation ne tourne pas rond comme on le dit d'un moteur qui a des ratés d'allumage, tousse et marche sur trois pattes ? Ne serait-ce pas plutôt du fait même de l'auteur dont l'imagination procède par à coups de manivelle au lieu de démarrer au quart de tour, de s'emballer et de turbiner ? N'est-ce pas tout bonnement sa puissance de création qui manque d'énergie et de régime régulé ? N'est-ce pas sa plume qui s'est encalminée dans la bouteille à l'encre à l’instar des bougies qui s'encrassent. Pauvre bougre, infortuné forçat  de la littérature, le voilà bien dans l'impossibilité de tourner sept fois sa penne dans l'encrier avant de commencer à écrire, le laissant ainsi tout entier à sa peine !

Alors, au lieu d'être un moulin à paroles et de mal tourner, qui n'aimerait pas ressembler à Alphonse Daudet qui tournait si légèrement avec les ailes "les lettres de son moulin". Qui n'aspire pas à être à son tour, dans le vent de l'inspiration et à tourner à droite ou à gauche en donnant du grain à moudre à ses lecteurs girouettes ?

Par ailleurs, combien se sont employés à éluder certaines difficultés de compréhension afin de contourner les aspects abscons et obscurs d'un texte dont le niveau de langue et le vocabulaire spécialisé leur étaient étrangers. Certains ont dû envier Victor Hugo qui, à Jersey faisait tourner les guéridons pour évoquer les esprits et obtenir leurs réponses. Faute d'être spirituel, être spiritiste est peut-être une issue pour un esprit frappeur.

Oh oui ! Depuis le XVIIème siècle, rien n'est plus lumineux que ce précieux conseil ! "Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement, et les mots pour le dire arrivent aisément." Car à défaut, c'est toujours l'autre qui boit l'eau et qui se noie dans la mare aux diables des connotations ambiguës et équivoques. Seul l'avocat du diable oserait, sans doute encore défendre l'indigne cacographe face à ses détracteurs. Mais leur gril rougeoyant l'attend déjà, comme une oie déplumée promise au tourne-broche.

Combien se sont impatientés à percevoir le sens profond de tel récit ou l'intérêt de telle nouvelle ! Combien sont excusables, ayant eu l'impression de tourner en rond en s'exaspérant devant une intrigue qui n'en finissait pas de tourner autour du pot ! A l'évidence, un lecteur ne se recrute pas sur le sens giratoire.

D'ailleurs, me direz-vous, les lieux communs ne sont-ils pas d'ordinairement absurdes ? Les instructions et circulaires officielles édictées par des crânes d’œuf dont l'esprit doit tourner à l'ovale ne sont-elles pas émises pour faire tourner en rond et à vide l'administration ?

D'ailleurs me direz-vous, comment peut-on tourner autrement qu'en rond dans l’aquarium des productions aquatiques à l'eau de rose, quand le roman lui-même, finit en queue de poisson ? Comment ne pas être rasoir quand l'histoire, à son tour, vous barbe et tourne court ? Tant d'occasions de ricocher dans l'eau des platitudes ou de provoquer l'asphyxie des liseurs de passage. Au point que l'occupation principale de certains consiste parfois à se tourner les pouces et à se ventiler en tournant rapidement les pages. Et doit-on alors s'étonner que l'écrivain déplore que son lectorat lui tourne le dos et les talons ? Car il ne suffit pas de caracoler en tête des ventes, encore faut-il que le public ne tourne pas bride ou casaque.

C'est ainsi, quand le fouilleur de potins et d'échos du Landerneau remue sa plume dans l'encrier, il ne tourne que sur lui-même pour entrer dans la spirale infernale des petits papiers incendiaires promis au brûle-torchon. Il fait partie de ces chroniqueurs pisse-copie d'une presse spécialisée, réservée à de crédules midinettes, juchées et réjouies sur le grinçant tourniquet des amourettes people.

Heureux donc, ceux qui parviennent à tournebouler leur lectorat en lui faisant tourner la tête et à le retourner en le laissant dans l'émotion ou le plaisir extrême. Certains réussissent même à le faire se tortiller de rire par quelques anecdotes tordantes ou pirouettes de style. Mais si on le fatigue en lui racontant des salades, la relation ne tarde jamais à tourner à l'aigre.

Oh ! Il faut bien du talent pour faire tourner les rotatives des éditeurs... Heureux le poète amoureux qui tourne autour de sa belle surtout s'il s'agit de Ronsard offrant ses sonnets à Hélène. C'est elle alors qui gravite autour de lui tout en l'enroulant dans les boucles de ses accroche-cœur.

 

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Sans queue

Publié le par modimodi

 EV

Pourquoi certains scribouillards s'obstinent-ils à écrire des textes "sans queue ni tête"? Pourquoi n'en n'ont-ils pas la moindre perception littéraire et restent-ils sans une salutaire réaction ? D’ailleurs, comment peuvent-ils espérer un jour, ne plus être en queue des palmarès de librairie et se retrouver en tête du classement des meilleurs ventes ?

Un écrit rédigé sans mettre en action sa tête pensante subit forcément  la peine capitale du sens. Il apparaît inepte et insensé, au point en général, d'échapper à toute compréhension immédiate comme dans le cas reconnu d'une production en écriture automatique. A. Breton en a fait l'expérience et a ouvert la voie à la poésie surréaliste.

En ce sens, dans cette circonstance particulière, aux yeux de quelques initiés, le résultat créatif est naturellement noble. Il convient alors d'émettre avec une capitale circonspection le jugement dans l'emploi privatif de l’expression d'un écrit apparemment "sans tête ".

Mais alors comment doit-on comprendre la séquante locution "sans queue" ? Si on remonte aux origines des dinosaures, dans la nuit des temps, bien avant la première écriture, on sait que ces grands reptiles qui avaient de gigantesques queues ont fini par disparaître. C'est donc que la queue ne garantit pas la survie de l'espèce !

A l'instar, une composition castratrice "sans queue" n'altère pas sa persistance. Elle peut survivre à son concepteur. Les vieux fossiles littéraires ont autant d'avenir que de passé à condition qu'on en découvre évidemment un jour, les traces paléontologiques. Le temps leur offre ainsi une ultime chance.

Il y en a d'ailleurs qui se prélassent au soleil de l'édition de Minuit ou dans les catalogues endormis des éditeurs. Comme des lézards, ils reproduisent le comportement de leurs ancêtres, les tyrannosaures. Ils ne se cassent ni la tête ni la queue, ils broutent simplement les lauriers qui n'ont fleuri que dans leur belle imagination.

Ont-ils vraiment disparu ? Les crocodiles ou dragons de Komodo semblent leur ressembler de près mais non ! Des paléontologues ont démontré, en étudiant leurs ailes que ce sont biologiquement et anatomiquement des oiseaux. Comme les mouettes, les pigeons, les autruches et les poules ce sont les dignes descendants du Vélociraptor. L’hérédité n'est donc pas dans la queue mais dans le croupion !

Dans les écuries littéraires, certains croupionnent ainsi en attendant le Goncourt ou le Renaudot. En cet instant, on comprend sans doute mieux l'expression : " quand les poules auront des dents. " Alors, prudence et modestie ! A moins d'affubler de "drôle d'oiseau", tel petit prétentieux, tel homme de plume d'oie et de cataloguer son caractère archaïque d'antédiluvien ou de juger envolé son style alerte, nous en sommes réduits à émettre des hypothèses, au risque assumé de se prendre un pan sur le bec et un grain de sel sur la queue.

Maintenant, si la plume est communément admise comme le prolongement de la main qui la guide, peut-être que celui qui rédige est accidentellement l'objet d'un dysfonctionnement sensitif, due à une perturbation de ses organes sensoriels ? D'ailleurs, s'il ne ressent rien, il ne peut pas non plus faire partie des écrivains qui prétendent avoir des démangeaisons au bout des doigts et une furieuse envie d'écrire.

Nous pourrions donc admettre le principe de la non perception par un écrivain de l'effet que produisent certains de ses écrits, sur lui-même comme sur le lecteur ! Mais alors, si notre gratte-papier y va ainsi, insensiblement de main morte, comment peut-il passer aussi facilement et haut la main, à une rédaction  jugée "sans queue"... "ni tête" ?

Absurdement, si la queue est communément admise comme le prolongement de la colonne vertébrale à son extrémité, une explication semble plausible. Il suffit de supposer qu'un grattouilleur de plume qui en aurait eu plein le dos, à force de s'éreinter sur ses pages d'écriture, aurait alors couru le risque extrême d'être arrivé à sa dernière extrémité.

On ne dira donc jamais assez combien, il faut protéger ses arrières. Tête et queue sont indissociables dans la vie !

Au bout de lui-même, incapable du moindre ajout ou prolongement d'idées, notre écrivailleur peut alors, sans s'en apercevoir fabriquer de drôles de tournures de phrases, qualifiées de "sans queue... ni tête" ! Si derechef, il n'a pas de cerveau, donc pas de moelle épinière qui l'innerve jusqu'à la région lombaire, il est de fait, rendu insensible au moindre effet stylistique qu'il suscite. 

Ainsi en est-il des nombreux gratte-papier ou chatouilleurs de plume qui n'ont pas la sensation de prêter à rire. Ainsi en est-il de bon nombre de rata-touilleurs d'idées et de mots dont ont dit qu'ils sont sans consistance, qu'ils n'ont pas de colonne vertébrale. Leurs essais sont mal charpentés, ils ne risquent pas de trouver l'invisible et l'essentiel nutritif de la littérature, "la substantifique moelle", chère à Rabelais.

La tête et la queue sont par conséquent anatomiquement et expressivement dépendants l'un de l'autre. Un homme de lettres se doit d'avoir une tête bien faite pour produire des œuvres appréciables du début à la fin. Ainsi par exemple, en est-il de la célèbre et joyeuse série, à la queue leu leu des San Antonio du génial Frédéric Dard.

Mêmes les scribes, ancêtres des moines chartreux qui ont une écriture de chat possèderaient, si l'on en croit Les Frères Jacques " le p'tit bout de la queue du chat qui vous électrise " car " ... l'esprit s'était caché là, dans la queue du chat ". Mais la souris qui passait par là s'est fait prendre par la queue. Elle aurait mieux fait de ne pas sortir de son trou, car même un rat de bibliothèque dévoreur de livres, vous dira combien il est difficile de faire son trou.

Chez les animaux, la queue est un facteur d'équilibre pour la marche, la course ou les sauts. De même, la tête de l'écrivain doit être équilibrée et stable, s'il veut livrer des récits harmonieux et des phrases bien balancées. Avec un cerveau lent, il faut malheureusement s'accrocher à la queue pour qu'un texte élève l'intérêt et emporte le liseur.

Développer une intrigue qui tourne court finit toujours en queue de poisson et aboutit par le faire frétiller et tourner en rond. En attente du dénouement, impossible de coincer la bulle sans faire des yeux ronds...

De même, accumuler des descriptions qui s'attardent sur des queues de cerises correspond à écrire pour des prunes, une pâteuse histoire du genre clafoutis, autour d'un quelconque sujet tarte. Ce sont hélas les autres qui en patissent !

Au contraire, un auteur malin comme un singe fera grimper le lecteur aux branches et le laissera suspendu par la queue pour lui cueillir les fruits littéraires jusqu'au terme de son roman. Par contre, s'il n'a pas de réussite, c'est lui-même et par la queue qu'il tirera le diable devenant la vache à lait des éditeurs à compte d'auteur. Il aura beau chasser de la queue les mouches buzzeuses des nouvelles à sensation, il se retrouvera à la queue des ventes en librairie, en train de ruminer sur le plancher des vaches.

Si un écrivain à tout crin qui caracole en tête des classements littéraires n'a pas forcément de queue de cheval, il aspire souvent à endosser la jaquette et la queue de pie pour recevoir sa glorieuse récompense. Connu comme le loup blanc, certains obsédés textuels en parlent même dans l'espoir peut-être d'en voir la queue.

malheureusement, le poète qui pêche par excès de vers au bout de la ligne noie celui qui s'est plongé tête première dans son poème. Il le laisse médusé, essayant par l'extension de toutes ses tentacules émotives d'effleurer la sonorité des rimes.

Le romancier scandaleux tient souvent son renom des casseroles attachées par la queue qu'il traîne derrière lui. Son livre connaît alors un succès retentissant, d'autant plus s'il s'agit d'un pavé.

Au grand cirque des prix littéraires, c'est après avoir bouffé de la vache enragée, que les écrivains veulent se tailler la part du lion. Hélas ! A moins d' être l'objet d'un coup de cœur, c'est parfois, la queue entre les pattes avec un air de chien battu, qu'ils repartent tourner en rond dans leur cage, bien loin des chants les oiseaux-lyre.

Il n'est jamais aisé de captiver et d'engeôler les lecteurs. Il est quasiment impossible de mesurer leur degré de satisfaction, en dehors du classement officiel des libraires. Un ouvrage sans queue en trompette de la renommée et sans tête en l'air a peu de chance de décoller. Il faut une sacrée binette pour cultiver les fleurs de rhétorique du jardin des lettres où " Voici venir les temps où vibrant sur sa tige / Chaque fleur s'évapore ainsi qu'un encensoir..." Harmonie du soir. Ch. Baudelaire.

A défaut, obstinés écrivains délaissés et ignorés, restez donc résignés, en rang d'oignons comme des cultivateurs de navets et de choux gras ou en plant comme des producteurs de patates. Placez-vous dans la glorieuse file d'attente des auteurs de La Pléiade et prenez patiemment comme tout le monde... la queue de la filante comète tombant du firmament.

 

 

 

 

 

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Chapeau !

Publié le par modimodi

EV SQNT

Tout le monde ne peut pas faire partie du cercle restreint des sommités littéraires auréolées. Pourtant, nul regret, nulle frustration !

S'il est un plaisir étonnamment appréciable, d'apparaître aux yeux de ses lecteurs, comme un écrivain "sans queue ni tête", c'est de ne pas avoir à porter le chapeau. Pas de tête, pas de couvre-chef ! Pas de cabèche, pas de chèche !

C'est ainsi que je me comporte. Plus les reproches sont moches, plus je n'en fais moi même, qu'à ma tête de pioche, toute occupée à déterrer les pierres d'achoppement de mon vocabulaire. Si je n'ai plus de mots, je n'ai plus non plus de maux de tête. Non ! Plus rien de moi qu'un raccourcis des pensées de mon ex tête pensante.

Je ne vais donc pas ici, dans un style décoiffant, tirer à mon ultime lecteur, mon chapeau d’hébété étêtè, en train, à tue-tête de lui répéter : " Où avais-je donc la tête? Où avais-je donc la tête ?" Non ! Je suis totalement dénué de bon sens, dans l'incohérence jusqu'au cou. Ne cherchez pas la logique dans cette fantaisie casse-tête. A votre tour, vous y perdriez votre tête d'alouette avec toutes ces pirouettes de mon esprit lui-même, en-tête-à-queue.

Mes épaules sont larges, je peux tout supporter et à visage découvert, je ne crains pas de perdre la face. Non ! Ainsi, je ressemble plutôt à un buste au torse fier, à un mannequin pour tailleur, à un épouvantail coiffé d'un balai brosse en guise de chapeau de paille, à une tête de loup en plein milieu d'un champ de navets.

Sans galurin, la chance ne pourra même pas venir me coiffer sur le poteau. Seul le mauvais poète qui reçoit une volée de bois vert pourrait encore, à titre de lauriers,  être couronné d'un reste de vers durs. Alors, vous pouvez bien vous moquer ou bien me faire la tête, moi, je ne vous tiendrai pas tête, je n'en ai pas le front !

Quand bien même, le cafouilleur de phrases  et d'idées aurait perdu la tête, personne ne s'aviserait de dire de lui qu'il est toqué ni qu'il a la tête près du bonnet... Sauf s'il passait pour un âne au fond de la classe des mauvais scribouillards en compagnie des petites têtes de linotte...

D'ailleurs, vous imaginez bien qu'elles sont libres. Elles s'évadent en rêvant. elles rêvassent à tête reposée. Les entendez-vous ? "Si j'aurais su, j'aurais pas v'nu" dit P'tit Gibus, qui pour éviter les claques, prend aussitôt ses cliques et son claque.  "Oh ! Moi, j’en ai ras la casquette et par dessus la tête." répond en écho son congénère à qui la guerre enfantine avait filé quelques boutons. "Et moi, j'ai le pompon s'exclame ailleurs, dans le Landerneau, un robuste marin breton en tentant de retenir son chapeau rond au premier coup de galerne".

Bien sûr, comme dit la modiste, "il faut rester modeste" et ne pas prendre le melon. D'ailleurs, à moins d'avoir la grosse tête, de faire la forte tête et d'être au sommet de sa forme, pourquoi voudriez-vous porter le haut-de-forme et lancer l'air assez leste du "turlututu chapeau pointu" ? Le plus grand défi pour un auteur est de se montrer à la hauteur tandis que le prix de consolation est assuré aux bas de plafond de ne pas craindre de tomber de haut.

D'ailleurs, sauf à être sûr, après avoir perdu la tête, de posséder un talent fou, pourquoi voudriez-vous travailler du chapeau ? Évidemment que le canotier en panama a bien le droit de se jeter à l'eau pour lui mener sa barque. Dans ses conditions, s'il a le loisir et le plaisir de glisser au fil de l'eau, pourquoi sur un coup de tête et au fil de la plume, pourquoi un plumitif s'estimant empli de panache, ne travaillerait-il pas aussi de la plume au chapeau ?

Le poète épris et sensuel n'a-t-il pas la permission de mettre un capuchon à son stylo fuyard comme d'enfiler jusqu'aux oreilles son chapeau en latex, avant en branlant de la tête de fréquenter la grotte des plaisirs de sa muse ? Le voilà, conquérant et tête couronnée et, des pieds à la tête, prêt à renverser tête bêche, les rimes amoureuses.

A cet instant, de cette élucubration jugée sans queue ni tête, au talent décapité, à la fin de ce texte bas de forme, je suis prêt à manger mon chapeau, si vous ne vous êtes pas déjà enfuis sur les chapeaux de roue. Mais si, indulgents lecteurs, vous êtes demeurés, au sens noble du terme, en tête à tête avec moi, je vous tire mon chapeau sans crainte. Car, ayant depuis longtemps, perdu la tête, entre vous et moi, toute prise de tête est impossible, même à un têtu petit crâneur ! J'aurais d'ailleurs le plus grand mal à m'incliner devant vous, tête basse.

 

 

 

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Hilare !

Publié le par modimodi

SAF

Toi, tu amuses la galerie,

On recherche ta compagnie.

Auprès des amis, d'la famille,

Tu passes pour un joyeux drille.

 

Y'en a qu'on traite de prolos,

De banlieusards, de populos,

Y'a des étiquetés écolos,

Toi, on dit qu't'es un rigolo.

 

Dans toutes les conversations,

Tu parviens à fair' sensation,

Si tu n'as pas le dernier mot,

A coup sûr, tu as le bon mot.

 

Facétieux et spirituel,

Taquin, blagueur au naturel, 

Tu n'as nul besoin d'baratin 

Pour fair' rire le menu fretin.

 

D'un ton banal ou très sérieux,

Tu capt' le public en moins d'deux,

D'une saillie préméditée,

Tu déclenches l'hilarité !

 

Desproges, Devos, Coluche, Audiard, 

Allais, Guitry, Dard ou Bouvard...

Mille phrases et citations

Que tu offres en déclamations.

 

D'une répartie fulgurante,

Tu surprends, tu désorientes.

Va, pour la touche impertinente,

Si ton histoire est bidonnante.

 

Spécialist' des blagu' Carambar,

Tu fais rigoler les moutards.

" Qu'est-ce qui est court et qui se jette ? "

On t'a surnommé la Courgette.

 

T'es l'champion des blagues de Toto, 

Des devinettes et des gros mots,

Tu ferais rosir les minettes

Rien qu'en leur parlant de sucettes...

 

Canulars ou joyeux bobards,

Tu as le gag en étendard. 

Avec toi, on se fend la poire.

Adieu, soucis et désespoir.

 

Tu excelles dans les doubles sens !

Tu déclares en toute innocence, 

"Y'a pas de chauves à Ajaccio

Mais à Calvi, si !" Oh ! Oh ! Oh !

 

Tu excelles dans les calembours,

Tu te distingues dans l'humour.

Personne ne te voit venir

Tu es un joyeux pince sans rire.

 

Moi, j'adore tes exquis mots,

Car les miens sont souvent mes maux.

Moi, qui me pique d'être écrivain

Je m'distingue par mes écrits vains !

 

Quand je rime des mélos, dis !

En perçois-tu la mélodie ?

Hélas, le poète estropié

Ne retombe pas sur ses pieds.

 

Mais j'ai une chance inouïe,

Je suis devenu ton ami.

Poète et comique, sans fin, 

Sautent sur la vie à pieds joints.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Pièce rapportée

Publié le par modimodi

 SAF

Tu n'fais pas partie d'la famille,

Mais t'es invité chez sa fille.

Tu n'as aucun lien du sang,

Tu n'es là, que par accident.

 

On t'invite par obligation,

Vu qu't'accompagn' papi Léon.

Mais on a de p'tites attentions,

C'est toi, qui fournis les boissons.

 

Toujours dans les faux semblants,

En sourires, mais le cœur méchant,

On examine ta trombine,

On espèr' ta mauvaise mine.

 

Quand on s'inquiète de ta santé

C'n'est pas pour t'la souhaiter,

C'est uniquement par intérêt,

Dans l'espoir p't'être d'hériter.

 

Toi, tu n'as pas de descendance,

Tu donnes ton amour en confiance,

Les enfants de ta compagne,

C'est tes enfants, tu le témoignes.

 

Mais on n's'intéresse pas à toi !

Tu passes le plus clair de ton temps,

A écrire en vers ou en prose,

De beaux textes, sans une pose.

 

C'est ton bonheur, c'est ta passion

Mais, tu es seul dans l'émotion.

Jamais, une fois, on ne s'enquiert 

De ces écrits dont tu es fier.

 

Pas d'attention, pas de partage,

A moins d'en tirer avantages !

En vain, tu l'attends, tu l'espères,

Mais tu n'es pas un vrai beau-père.

 

Tu n'es qu'une pièce rapportée !

Malgré ton bel âge avancé,

T'es trop naïf, bien trop confiant

On n's'occup' pas de tes passe-temps.

 

On t'appelle, si on a besoin,

Sinon, tu restes dans ton coin.

Toi, tu fais partie du décor,

Y'a qu' ton argent qui vaut de l'or.

 

Pas encor'tiède, ni bientôt froid,

Tu fais aussi semblant, ma foi.

Avant d'être jeté dans l'trou,

Tu leur balances quelques sous !

 

Ainsi passe la destinée

De ces familles recomposées.

Chacun aspire à être aimé

Mais les cœurs sont déformés.

 

A quoi bon devoir exhumer

Quelques émotions décimées

Et les sentiments consumés

D'instants de bonheur périmé ?

 

L'amour, le vrai est exclusif,

Il n'est jamais répétitif.

Les naïfs interprétatifs

Ont tort de le croire inclusif.

 

Quand l'amour s'est effiloché,

Que la famille s'est détissée,

Pour un petit cœur rapiécé,

Rien ne vaut une pièce rapportée.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Idées: encor' tiède, bientôt froid, en attendant l'héritage, vaut mieux avoir quelques sous avant d'êtr' jeté dans l'trou;

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Lettre attachante - La ceinture

Publié le par modimodi

 BAL  CONF

On ne saura jamais mesurer l'importance des petites choses, des événements apparemment insignifiants. Il en fut ainsi de ma première vraie ceinture, marquant mon entrée dans le monde des grands. Je quittais alors mes sempiternelles culottes courtes aux ceintures élastiques colorées pour enfiler un élégant jean bleu délavé.

Quelle fierté quand le vendeur me présenta un beau ceinturon en cuir marron avec une boucle métal, couleur bronze. Mais pour avoir fière allure, il m'a fallu d'abord laborieusement apprendre à le glisser dans les passants puis saisir l'aiguillon pour le pousser dans le cran prévu afin de le serrer autour de ma taille.

Par ces gestes qui me sont aujourd'hui familiers, je ne réalisais pas encore que je venais symboliquement de boucler la première partie de mon enfance et que je basculais dans "l'âge dit de raison", un nouvel entre-deux de ma vie. Un monde inconnu de découvertes disponibles s'ouvrait à ma curiosité de novice.

Tout était inédit. Il me faudrait prendre le temps de les comprendre, de les assimiler pour agir et m'engager. Tels se présentaient mes premiers pas serrés et mal assurés, à accomplir sur la route initiatique des toutes neuves responsabilités. Heureusement, ma famille aimante m'apprit à grandir, en ajustant mes envies, joignant l'utile à l'agréable sans jamais poser de barrières à mon univers d'enfant.

Outre le plaisir et les jeux, les valeurs que je garde encore aujourd'hui s'inspirent du scoutisme qui m'a offert symboliquement, ma plus belle boucle de ceinture. Ainsi, au fil du temps, mes ceinturons serviraient à accrocher mes clés, mon couteau et mon revolver dans son étui, mes prises de guerre, ma boussole et ma gourde... Elles me donnaient l'assurance de ne rien perdre et un fier statut d'aventurier. Elles me différenciaient surtout de ma sœur qui avait besoin de se balader, une pochette à la main, pour transporter ses préciosités féminines. Moi, j'avais les mains libres !

L'autre stade marquant de mon évolution adolescente fut lorsque je pus emprunter les ceintures de mon père. Soucieux de mon image, un peu coquet, j'en faisais un accessoire de mode et de fantaisie, assortissant ou tranchant les coloris avec les pantalons, élargissant les sangles ou variant les boucles. 

Je comptais ainsi rendre un peu jaloux mes copains de classe et surtout intéresser les fraîches demoiselles afin de mieux leur plaire. Premières tentatives de séduction, premiers échecs, car la concurrence des cours de récréation était rude. J'étais plus séduit que séducteur comblé.

En effet, mes bonnes amies en jupe ou en robe, aimaient à faire assaut d'élégance. Par leurs foulards, leurs ceintures, cordons, cordelières ou bandeaux en soie, qu'elles nouaient avec grâce, elles s’efforçaient qu'on les remarquât.

Je n'avais pas hélas, l'exclusivité des tentatives et parades pour les dénouer ! Nous étions nombreux à les désirer sans ne parvenir souvent à obtenir qu'une œillade, un sourire complice. Recueillir un baiser furtif relevait du rêve ou de l'exploit ! Chacune avait sa pudeur et sa ceinture de chasteté.

Quelques-uns s'en sortaient mieux que d'autres. Lorsqu'ils arboraient leurs ceintures vertes ou marrons obtenues au judo, le prestige et son corollaire, le succès leur étaient quasi garantis. Moi et les autres, n'avions alors qu'à faire ceinture et à nous coucher vaincus sur le tatami, en rêvant de leurs chutes de reins !

Ce premier apprentissage de la vie a probablement influencé mon existence d'adulte. J'ai depuis toujours, veillé à ne pas avoir à me priver et à me serrer la ceinture, sans pour autant être dispendieux ni inconséquent, en la déliant inconsidérément. L'existence vous rend d'ailleurs raisonnable, car elle vous serre la vis et vous corsète souvent de ses taxes, impôts et obligations.

J'ai encore appris qu'il faut parfois porter son dépit en bandoulière, voire même la boucler et serrer les dents. D'ailleurs le paradoxe de la sagesse vous dicte votre conduite. S'il faut être adepte de l'économie et de l'épargne, il ne faut pas économiser sa volonté ni épargner ses efforts. 

Pour remporter la compétition des apparences et des honneurs ou pour accéder à plus de bien-être, vous devez souvent avancer en rangs serrés, coudes serrés au corps. L'atavisme de la sentence populaire vous poursuit de sa morale : Est-ce que "bonne renommée vaut mieux que ceinture dorée" ? Est-ce qu'"avoir une bonne réputation et être pauvre, vaut mieux que d'être riche et malfamé" ? A chacun sa taraudante réponse !

Il est donc prudent d'être prévoyant et de savoir serrer les cordons de la bourse. Car la vie exige de ne jamais desserrer sa vigilance. Il vaut mieux s'accrocher et affronter les difficultés en bouclant sa ceinture de sécurité. Rares sont ceux qui peuvent espérer une ceinture de sauvetage. Certains extrémistes de la précaution revêtent même bretelles et ceinture ! Mais personne n'évite les coups bas portés sous la ceinture.

Aujourd'hui, j'aime quand ma douce amie m'enlace et se blottit, me ceinture à la taille et m'embrasse. J'aime quand elle me presse et me serre. Je lui donne tout mon attachement. Nous ne sommes ni ligotés, ni emprisonnés, jamais à cran.

Je me suis lié à elle sans le moindre désir de me détacher ni de délier nos serments. Nous sommes soudés l'un à l'autre, en jonction étroite, en étreintes douces, en corps à corps noués. Nous sommes scellés mais libres, cœur battant, jamais serré ! Nous n'avons aucune hâte de boucler la boucle !

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Enfance : Le savon 2/2

Publié le par modimodi

 CONF 2

Je ne sais pas si quelques-uns de mes ancêtres ont été de chevelus Gaulois qui utilisaient déjà le savon de Marseille. Pline a rapporté qu'ils se rougissaient les cheveux avec un mélange de suif et de cendre.

De là, peut-être a-t-on tiré des expressions toujours vivaces : "voir rouge comme César à Alésia", "passer un savon à Vercingétorix "ou "se faire laver la tête"... Auquel cas, le savon entre bien dans mon héritage historique ! 

En tout cas, cette collection commencée par ma grand-mère trouve, à mes yeux, une meilleure explication, bien plus logique. Ayant vécu les difficultés des deux guerres, elle avait eu à supporter les privations et la pénurie des denrées les plus élémentaires. Pain, lait, viande, beurre et même le savon s'achetaient alors, au marché noir. 

Dans ces périodes sombres, il fallait bien manger et garantir l'hygiène : nettoyer, lessiver, faire sa toilette. Le savon était au quotidien indispensable et précieux...

De douces années plus tard, dans mon enfance heureuse, en temps de paix, je me souviens du rituel de mes grands savonnages. Nu, dans la bassine d'eau chaude, ma mère pour me débarbouiller, me frottait énergiquement avec un savon au contact granuleux, tenant plus de la pierre ponce à récurer que de la caresse... La salle de bains et les savons doux et parfumés à la lanoline viendront plus tard avec l'évolution sociale et les changements des modes de vie.

Je me rappelle encore que même usé, réduit à l'état de morceaux cassants, il ne fallait pas le jeter ni le gaspiller. Le moindre petit bout de savon était placé au milieu du linge dans la grande lessiveuse qui bouillait sur le réchaud à trois pieds. Je peux ainsi affirmer que nous avons toujours lavé notre linge sale en famille.

Aujourd'hui, je comprends mieux pourquoi mémé Virginie aimait à répéter, lorsqu'elle avait accompli une lourde tâche ménagère : "Ah ! Mes aïeux, je suis rincée" ou pourquoi, d'autres fois, elle nous gratifiait d'un : "Ah ! Mes enfants, je suis lessivée !"

Dans cette ambiance familiale, de tendresse et d'affection mutuelle, d'ablutions et de blancheur nous n'avons jamais eu de problème d'amour propre !

Un jour, au retour d'un voyage, mes parents ramenèrent des mini savons de toilette mis à disposition par l'hôtel. Joie de ma grand-mère qui se découvrit alors une vraie passion de collectionneuse. Avait-elle peur de manquer ? Craignait-elle une nouvelle disette ?

Toujours est-il que toute la famille et les amis qui connaissaient son emballement lui rapportaient systématiquement ces échantillons, qu'elle plaça d'abord dans une grande corbeille en osier puis qu'elle disposa en exposition dans la vitrine d'une bonnetière, fermée à clef ! Je sens encore les odeurs fortes de parfums mélangés, pot-pourri persistant de fragrances lourdes, mi-agréables, mi-écœurantes. Quand elle ouvrait la porte du meuble, immanquablement, elle disait : "ça sent le propre !"

Les conséquences de cette passion se propagèrent dans toute notre tribu, marquant les caractères de chacun. Ma mère était une acharnée du nettoyage, des lavages à grandes eaux savonneuses au savon noir. Le carrelage était décrassé, brossé, briqué et shampouiné. Le temps passé devant l'évier de la cuisine, de la buée plein les lunettes, l'avait distinguée du titre tendrement moqueur de scaphandrier des eaux de vaisselle ! 

Ma chère sœur était mon aînée. Un peu précieuse, toujours en recherche d'effets, elle se maquillait joliment en cherchant à briller et à étinceler. C'est elle, qui chaque année voulait faire scintiller davantage le sapin de Noël au point, un jour de provoquer une surtension et de plonger le repas du réveillon dans le noir ! De là, tenait-elle sans doute, sa préférence pour le savon en paillettes.

Sa progéniture, d'adorables jumeaux, hérita de son atavisme. Prenant ensemble leur bain, ils découvrirent très tôt, grâce à la plongée de la savonnette dans le fond du tub, la poussée verticale du principe d’Archimède. Ils s'en amusaient, à celui qui la ferait remonter plus vite ou plus puissamment de l'eau. Ce fut le début d'une vie de petits génies.

Mes neveux, ces deux jeunots érudits, pétillants et brillants d'intelligence, étaient d'exaspérants petits Pic de la Mirandole. Ayant réponse à tout, ils désappointaient leurs maîtres d'école, qui chaque fois qu'ils s’efforçaient de leur apporter connaissances et explications, s'entendaient répéter en chœur : "Nous le savons, nous le savons !". Aujourd'hui, ils sont ingénieur et universitaire.

Moi, j'ai cumulé de nombreux profits de l'héritage familial. Même si je ne me fais jamais mousser, je peux reprendre une expression de mon petit-fils : "Ça baigne !" J'ai appris à faire le net dans mes relations. Je fuis autant ceux qui veulent laver plus blanc que blanc que ceux qui vous savonnent la planche.

Doux Jésus, la famille a d'ailleurs été épargnée par les sales affaires. Mis à part, l'oncle Pierre qui avait l'énergie d'un savon mou et que la famille avait en cachette appelé "Pilate". En effet, il passait aux yeux de tous pour être fourbe et lâche, car devant chaque difficulté, lors de chaque échec, il affirmait en guise d'explications : "De toutes façons, je m'en lave les mains !"

Alors, moi je vis heureux, en soufflant sur les bulles légères et irisées de mon propre bonheur. Je prends consciencieusement plaisir, dans mes moments de loisirs, à coincer la bulle pour éviter qu'elle ne crève trop vite ! Mes cheveux en sont mêmes devenus tout blancs comme le savon à barbe qui met fin à ce récit peut-être un peu rasoir.

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Enfance : Le savon 1/2

Publié le par modimodi

 CONF 1 

Je vais vous confier un délicieux secret de famille.

Mais avant, demandons-nous "Qui n'a pas une fois dans sa vie commencé une collection ? Il en est de toutes sortes, le plus souvent thématiques, privées, à usage et plaisir personnel ou exposées au regard de visiteurs.

Le vrai collectionneur est un homme de passion toujours inassouvie. Sinon, il ne s'agit que d'un engouement du moment, une épisodique passade d'amateur. Par contre, cette passion, si elle est dévorante, peut devenir frénétique et obsessionnelle, alimentant la recherche de toute une vie. 

Dans l'antiquité déjà, on collectionnait des statues et des coquillages. A la Renaissance, en Europe, les cabinets de curiosités, sous forme de meubles et de vitrines, marquent le goût des aristocrates pour l'exposition d'objets hétéroclites, de préférence inédits : des animaux empaillés, des pierres de foudre ou précieuses, des cornes et défenses, des herbiers, des plantes exotiques, des médailles, des peintures sur pierres, des automates...

Dresser l'inventaire actuel des centaines de collections répertoriées serait ici fastidieux et quasi impossible. Oublions donc vite les plus courantes et les plus prisées : livres, BD, cartes postales, porte-clefs, papillons, insectes, chouettes, chiens, chats, timbres, images, photos, monnaies, boutons... Stop et pause, amis lecteurs ! Reprenez votre respiration ! ... Allez ! Un peu de courage ! On en reprend allègrement : bouchons, boîtes, assiettes, bouteilles, fèves, crayons, porte-plume, plumes d'oiseaux, fers à repasser ou à cheval, pierres, tableaux, jouets, allumettes, étiquettes et ouf ! J'en passe et sûrement des meilleures, encore plus extravagantes ! ... A compléter, c'est le jour de l’inventaire !

Cette trop longue liste s'apparente à un bizarre capharnaüm où s'entassent en ribambelle ce qu'on pourrait appeler des babioles, pourtant considérées par le collectionneur comme des trésors. Récolte de fruits précieux sur l'arbre de la vie, d'une quête patiemment accumulée, dont la véritable valeur est le plus souvent affective.

Ces quelconques bibelots de pacotille, ces simples bricoles et populaires breloques, ces vétilles sans intérêt, ces dadas enfantins, ces hobbys ou toquades inexplicables, ces marottes obsédantes sont souvent des témoins importants. Ils relatent les événements marquants d'une vie de passions, des phénomènes de mode, diverses mœurs d'époques récente ou ancienne, des aventures humaines faites de voyages, de découvertes et de hasard. Ils sont les relais d'une mémoire existentielle propre à chacun !

A vous d'en enrichir l'innombrable quantité et la multitude des variétés. Je ne doute pas que vous soyez vous-même concerné et encore plus original ! D'ailleurs, qui n'a pas chez lui, un album, une bibliothèque, une discothèque, une CD thèque ? Qui n'est pas un collectionneur sans le savoir ?

Certaines collections sont bien évidemment plus insolites ou plus étranges que d'autres : crèmes de gruyère, images pieuses, canards en plastique, coquilles d’œuf, opercules, armes, dés à coudre, drapeaux, étiquettes en tout genre, miniatures de parfum, morceaux de sucre (faut-il être fondu !), écussons, sacs plastiques, pattes de lapin et même cordes de pendus !

Moi, je désirerais vous plonger les mains dans une autre collection, la mienne ! Familiale et surprenante, je vous offre celle des savons et des savonnettes publicitaires d'hôtel, dites de courtoisie ! Bienvenue au club des saponiphiles et sapopubliphiles !

Pourquoi, cette lubie a-t-elle mobilisé toute notre famille, au point de ne jamais oublier de ramener de nos différents séjours, les échantillons qui étaient offerts gracieusement à la clientèle ? Il faut bien, en souriant, hasarder quelques explications générationnelles et généalogiques, quitte à extrapoler beaucoup !

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